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Monday, March 21, 2022

GRICE E GIANNANTONI

 T        Digitized by the Internet Archive  in 2016    https://archive.org/details/b24876057                  5    SOCRATE   ET    VoAmour Grec     ♦    SOCRATE   ET   IPAmour Grec   ( Socrates sanctus naiSepaatrjs )   D1SSERT ATlON DE   Jean-Matthias GESNER   Traduite en Francais pour la premiere fois  Texte Latin en regard   Par Alcide BONNEAU     PARIS   Isidore LISEUX , Editeur  Rue Bonaparte, n° 2  I 877    ^ Qt-FA-TE: f   <rv / /hio nT .•    T'pn iA /^ / ( / a_)      AVANT-PROPOS    jegg^arean-Matthias Gesner, 1’auteurde  «JgE cette curieuse dissertation, est  I S&fe l un erudit Allemand du xvm e sie-  cle, dont les travaux ne sont pas tres-  connus en France. On lui doit d’excel-  lentes etudes sur les Scriptores rei rus-  ticce , une Chrestomathie de Ciceron,  une Chrestomathie Grecque , des Lexi-  ques, une traduction Latine des ceu-  vres de Lucien, des editions de Pline  le jeune, de Claudien, de Quintilien,  de Rutilius Lupus et autres anciens    a    VI    AVANT-PROPOS    rheteurs, toutcs enrichies de notes sa-  vantes et de longs prolegomenes; plus,  un nombre formidable de dissertations  sur toutes sortes de sujets, Opuscula di-  versi argumenti (Breslau, 1743-45, 8 vol,  in-8°), parmi lesquelles son Socrates  sanctus pce der asta tire forcement l’oeil  par la bizarrerie de son titre.   Cette bizarrerie a valu au livre sa no-  toriete, et en meme temps lui a fait grand  tort. Beaucoup de gens, entre autres  Voltaire, malheureusement pour 1 ’erudit  Tudesque, n’ont pas ete au dela, et iis  ont construit sur cette minee donnee un  ouvrage tout entier de leur fantaisie, a  1 ’extreme desavantage du pauvre Gesner.  D’autres ont cru Voltaire sur parole et  sont arrives au meme resultat.   C’est Larcher, THelleniste, qui le pre-  mier chez nous mit en lumiere cet opus-  cule, dans son Supplemenl & THistoire  universelle de labbe Bapn (1767, in-8°),  en le citant parmi les ouvragcs a con-    AVANT-PROPOS    VII    sulter sur le proces de Socrate ; il se  contenta d’en faire mention, sans meme  traduire ni expliquer le titre, ne s’ima-  ginant pas qu’on put s’y meprendre, et  qu’un homme tel que Gesner fut suppose  capable d’une indecente apologie. Vol-  taire, dont le vif et alerte esprit se plai-  sait a effleurer les surfaces, sans presque  jamais approfondir, ne connaissait sans  doute pas Gesner et certainement n’avait  pas lu son Socrates. Le Supplement a  VHistoire nniverselle n’etait d 7 ailleurs  qu une refutation tres-savante, quoique  un peu lourde, de son Introduction a  1'Essai sur les maeurs , publiee d^abord a  part et sous le pseudonyme de 1’abbe  Bazin; quelques critiques justes qu’on y  rencontre le mirent de mauvaise humeur ,  et, battu sur divers points d’erudition, il  chercha une occasion de dauber Larcher,  a cote du sujet, selon son habitude. Il  crut la trouver dans le livre etrange qu’il  supposa, d’aprcs le titre cite qu’il inter-    VIII    AVANT-PROPOS    pretait mal, s’indigna de ce qu’on osait  donner comme faisantautoritedesimons-  trueuses elucubrations (le monstrueux  n’etait que dans ce qu’il imaginait), et  tantot sous le pseudonyme d’Orbilius,  tantot sous celui de M Ilc Bazin ( Defense  de mon oncle, un de ses pamphlets), il ne  cessa de poursuivre la-dessus de ses bro-  cards son inoflensif adversaire. Tres-  content d’avoir leve ce lievre, il a meme  reproduit son assertion plus que hasardee  dans le plus populaire de ses ouvrages ;  on la trouve en note de 1’article Amour  socratique , du Dictionnaire philosophi-  que. « Un ecrivain moderne, nomme  Larcher, repetiteur de college, dans un  libelle rempli d’erreurs en tout genre et  de la critique la plus grossiere, ose citer  je ne sais quel bouquin dans lequel on  appelle Socrate Sanctus pcderastes ; So-  crate saint b ! Il n’a pas ete suivi   dans ces horrcurs par 1’abbe Foucher. »  Larcher avait trop beau jeu pour ne    AVANT-PROPOS    IX    pas repliquer. II le fit dans sa Repons e .  la Defense de mon oncle (1767, in-8°),  opuscule rare, reimprime a la suite du  Supplement a 1’Histoire universelle :  « Vous m’attribuez , dit-il a Voltaire,  votre infame et infidele traduction du  titre d’une dissertation de feu M. Gesnera  Je n’ai point traduit le titre de cette dis-  sertation ; il ne pouvait se prendre que  dans un sens tres-honnete, mais il etait  reserve a M lle Bazin et a Orbilius de lui  en donner un infame. Cela ne vous suf-  fisait-il pas? Fallait-il encore me 1 ’im-  puter? »   Pour qui avait suivi toutes les phases  de la discussion, Larcher et Gesner etaient  innocentes; Voltaire restait convaincu  d’avoir note dfinfamie un livre sans le  connaitre. Mais ces temps sont loin ; per-  sonne aujourd’hui ne lit Larcher pour  son plaisir, et le Dictionnaire philoso-  phique est dans toutes les mains. Voila  pourquoi on croit generalement que Ges~    X    AVANT-PROPOS    ner a developpe le plus scabreux des pa-  radoxes et fait une apologie en regie d’un  vice honteux. Nous pourrions citer au  moins un de ceux qui, se fiant a Voltaire,  ont propage 1’erreur mise par lui en cir-  culation, et affirme que cette dissertation  n’est qu’un tissu d’invectives ; mais nous  ne voulons faire de la peine a personne.   Gesner, ecrivain des plus doctes et plus  estime encore pour son caractere que  pour son savoir, professeur de Belles-  Lettres a TUniversite de Goettingue, puis  bibliothecaire de cette universite, ne pou-  vait ecrire qu’une defense de Socrate,  une refutation des calomnies dont on a  obscurci sa memoire, et que la langue a  attachees a son nora d’une maniere en  quelque sorte indelebile par les mots de  socratisme et d 'amour socratique. Inquiet  et tourmente, comme il 1’assure, de voir  peser sur le pere de la Philosophie de si  indignes soup9ons, il a voulu remonter  aux sources, compulser tout le dossier    AVANT-PROPOS    XI    et reviser le proces sur les pieces memes.  II l'a fait d’une facon non moins inge-  nieuse que savante dans cette disserta-  tion lue a 1 ’Academie de Goettingue en  fevrier 1752, recueillie dans les Memoires  de cette academie (t. II, p. 1), dans les  Opuscula diversi argumenti de 1 ’auteur  et tiree a part en 1769 (Utrecht, in-8°).  C’est cette derniere edition que nous  avons suivie pour la reimprimer et la tra-  duire, ce qui n’avait jamais ete fait en  Francais, ni probablement dans aucune  autre langue. Gesner a-t-il reussi a dis-  culper entierement Socrate? Nous l’es-  perons; mais nous etions de son avis  avant d 7 avoir lu son livre, et, ccmme per-  sonne ne 1’ignore, c’est surtout chez ceux  qui pensent comme lui qu’un auteur, si  bon dialecticien qu’il soit, porte la con-  viction. Les esprits mal faits qui incli-  nent a 1’opinion contraire, et ceux-la  seront toujours difficiles a persuader,  persisteront peut-etre a trouver singulier    XII    AVANT-PROPOS    que Platon, interprete de Socrate, ait si  souvent parle de 1’amour; qu’il ait con-  sacre trois de ses plus beaux dialogues,  le Lysis , le Phedre et le Banquet , a cette  brulante passion; qu’il l’ait tant de fois  soumise aux analyses les plus delicates,  expliquee par les conceptions les plus  sublimes, les mythes les plus poetiques,  et que jamais, sauf un moment, dans  l’admirable episode de Diotime du Ban-  quet , il ne soit question de la femme.   Alcide Bonneau.      UEDITEUR AU LECTEUR   [TIRE DE l’eDITION D’UTRECHT, 1 768]    es hommes illustres, ceux qui sont  regardes comme tels non-seulement  par la posterite, mais par leurs  contemporains, ceux surtout dont le  plus grand eclat consiste precisement dans  leur vertu, sont souvent accuses, sur les plus  legers indices, de quelques travers, sinon  de defauts plus graves; et c’est la un travers     EDITOR L. S.    iros illustres, et non a posteris solis sed  coaevis tales habitos , eos maxime quorum  praecipua laus virtutis est , vitii alicujus  nedum criminis gravioris suspicari levibus ar-  gumentis, vitium id quidem non leve : reos agere  et condemnare crimen et piaculum ; in Christiano  homine, in homine , in barbaro.   Quanta istorum ignominia, tanta est gloria  piorum virornm qui versantur in probrosis his      XIV    l’editeur   qui Iui-meme ne manque pas de gravite. Se  faire a la fois 1’accusateur et le juge, c’est  une chose criminelle, un sacrilege, qu’il  s’agisse d’un Chretien, ou seulement d’un  homme, meme d’un paien.   L’ignominie de ceux-la rehausse d’autant  la gloire des hommes pieux qui s’appli-  quent a repousser ces odieuses attaques.  On peut le dire de Gesner, ce savant illus-  tre, du petit nombre de ceux qui depas-  sant par la science tous leurs contempo-  rains, font encore plus estimer en eux les  qualites du coeur que celles de 1’esprit ;  c’est un honneur pour lui d’avoir pris en  main la cause de Socrate, et un plus grand  peut-etre pour Socrate d’avoir dte le Client  de Gesner.   II nous a paru bon de recueillir dans  une edition nouvelle cet ouvrage de faible    conatibus coercendis. Gesnero, illustri nomini , e  numero paucorum illorum qui cum eruditione  coaevos possint excellere, animi dotibus quam  ingenii celebrari malunt, incertum an honori sit  caussam Socratis egisse, magis quam Socrati  Gesnerum habuisse patronum.   Visum fuit , memoriam brevis operae sed auro  contra noti carae nova editione colere. Docuit  vir praeclarus , scripto quidem, quam inani co-  natu virtus summi hominis sollicitata fuerit ab  obscuris obtrectatoribus , qui non solent deesse  virtuti. Docuit autem exemplo, pertinere ad    AU LECTEUR    XV    dimension, mais qui ne serait pas trop  cher paye au poids de For. Son excellent  auteur nous y montre, la plume a la main,  1’inanite des efforts diriges contre un sage  par ces obscurs detracteurs qui ne man-  quent jamais a lavertu; il nous fait voir  aussi, par son exemple, qu’il appartient a  tout honnete homme de defendre la cause  des gens de bien. II nous enseigne surtout  avec quel soin et avec quelle erudition il  est besoin d’ecrire dans de telles matieres,  ou l’on ne doit rien avancer qu’apres un  examen scrupuleux.   Profite donc, lecteur, de ce travail, plus  utile qu’il ne le semblerait au premier  abord; et si, par ignorance ou par trop  forte credulite, tu as rejetd loin de toi les  ecrits Socratiques, reprends-les maintenant  et garde-les avec amour. Il nous sera per-    bonos omnes bonorum virorum caussam : tum et  illud, in primis, ubi ejus modi res agitur, accu-  rate et docte scribendum esse, nec arripi quid-  piam absque subtili examine, et benevolo illo ,  debere.   Fruere, Lector , labore utiliori quam decet : et  si imprudentius forte abjeceris Socraticas char-  tas nimium credulus, abi continuo et in sinu  eas reconde. Integrum erit culpare qui Socratem  citant, tibi convenisset laudari Davidem et Sa-  lomonem : sed patiamur , bonum et pauperem  Socratem . , placide subridentem , sereno vultu ,    xvi l’editeur au lecteur   mis a notre tour de mettre en accusation  ceux qui font un crime a Socrate de ce  qu'ils trouveraient admirable s’il s’agissait  de David et de Salomon ; mais laissons le  bon et pauvre Philosophe s’interposer dou-  cement avec son placide sourire, son tran-  quille visage, et s’ecrier : Moi aussi, Vertu,  je t’ai honoree, Deesse !   Quant a ceux qui blameront cette apolo-  gie, non comme excessive, grands dieux,  car que pourrait-on dire de trop sur So-  crate ? mais comme inconvenante et depla-  cee, qirils prennent garde de tomber dans  Todieux de cette populace Portugaise tou-  jours prete, sinon a lapider ou a bruler,  du moins a exorciser a force de signes de  croix traces d’un doigt tremblant, le teme-  raire qui oserait croire que la Bienheu-  reuse Vierge Marie etait une Juive.    leniter interponere, Et ego te, Virtus ! colui  Deam,   Quibus fastidium movent elogia, justa Di boni!  quid enim de Socrate dici nimium potest? sed  quce magis opportune forsatn collocari potuis-  sent, videant ne in odium id evadat, quale est  plebis Lusitanae, si non rogum parantis aut la-  pides, saltim tremente digito averruncas cruces  describentis, si quis auserit credere, B. Virginem  Judaeam fuisse.      SOCRATE   ET    UaAmour Grec     IO. MATTHI. GESNERI V. C.   Socrates   SANCTUS T/E D E T{A STA    t nihil tam alte vel natura , vel  virtus , vel fortuna constituit, in  quo non vel deprehendatur ali-  quid labis et vitii , vel vires suas experia-  tur maledica invidia , cujus vocibus boni  etiam viri abripi se ad suspicandum certe  non nunquam patiuntur : ita mirum non  est , neque excelsam Socratis gloriam      Socrate   ET   L’qAMOU% g%ec    1 n’est rien de place si haut par la  nature, la vertu ou la fortune,  qui n’ait ses taches ou ses inv  perfections, ou que 1’envie ne s’efforce  d’atteindre, cette medisante envie dont  les clameurs poussent 1’homme de bien  lui-meme a soupconner le mal : c’est  pourquoi nous nc devons point nous     4 SOCRATE   obtrectatoribus suis carnis se. Ac de  Anyti Melitique criminibus, quibus op-  pressus est vir innocens , et, si forte vani-  tatis aut nugarum et cavillationum pos-  tulatus, et Scurrae nomine traductus est (i),  in prcesenti non erimus soliciti. Unum  crimen est, quod, varie jactatum, et plus  semel non sine specie in scenam reduc-  tum scepe me solicitum habuit, Fuerit ne  impuro ac detestabili puerorum amori  deditus? Hoc enim si verum sit, actum  est profecto de virtute viri, indignus est  cujus cum honore nomen usurpetur.    2. Postulatum esse hujus turpitudinis,  negari non potest. Mittimus , quae de  adolescentia viri ad libidinem proclivi    (i) Factum id esse a Zenone Epicureo, prodidit  Cic. de Nat. Deor. i, C. 34, ubi vid. Davis.    ET L’AMOUR GREC    5    etonner que lagloire si haute de Socrate  ait eu, elle aussi, ses detracteurs. Tou-  tefois nous ne voulons ni parier ici des  accusations d’Anytus et de Melitus sous  lesquelles succomba son innocence, ni  nous inquieter de savoir si ce grand  homine a ete incrimine de vanite, de  mensonge et de sophisme, affuble du  surnom de Bouffon[i). Une seule accu-  sation m’a souvent tourmente ; c’est  celle qui, sans cesse discutee, a toujours  ete remise en avant, non sans apparence  de justesse: Socrate etait-il adonne d  l’impur et detestable amour des jeanes  gargons ? Si cela est vrai, c’en est fait des-  ormais de la vertu de cet homme ; c’est  un indigne, lui dont on ne prononce le  nom qu’avec respect.   2. Qu’il ait ete accuse de cette turpi-  tude, le fait est certain. Negligeons ce  que Porphyre, d’apres Theodoret [De la    (i) Comme le fait PEpicurien Zenon, au dire de Ci-  c6ron {De Natura Deorum , i) ; consuit, la-dessus  J. Davies.    i .    6    SOCRATE    Porphyrius apud Theodoretum [Graecar,  affect. cur. ser. 4 pr.) memorat : nam  ibidem additur , illum c-ojo^ xat oioayrj  xouxou? a^aviaat xou; xurcous, impressas ve-  luti notas libidinum studio ac doctrina  abolevisse (1). Neque valde huc faciunt ,  quce ex eodem Porphyrio , qui Aristo-  xeno auctore usus sit, idem Theodore-  tus (Serm. 12 p. iy5, 8) memorat, par-  tim quod ad adolescendam primam viri,  de qua nobis sermo non est, pertinent ,  partim quod Archelaus Anaxagorae dis-  cipulus, honestus amator (spaax 7 ]$) ipsius  fuit. Ejusdem generis est, quod Cyrillus  (contra Julia. 6, p. 186, D) ex eodem  Porphyrio (in Historia Philosopha , libro  olim deperdito) refert , Socratem -po; xr ( v  twv aopootatwv yp7jatv acpo Spdxspov p.sv sivac,  aoizov os p.rj -poasTvat. t\ yap xaT;Ya[j.sxaT;, vj xat?  •/.oivat; y prjaQat fj-ovat?. Fuisse ad res venereas  aliquantum vehementem, sed injuriam  abfuisse, qui vel uxoribus solis, vel    (1) Conf. quae in fra de mali equi Socratici notis  dicentur. § 18.    et l’amour grec 7   cure des prejuges des Grecs , Disc. iv),  raconte de sa jeunesse, laquelle aurait  ete encline au libertinage ; 1’auteur  ajoute, en effet, au meme endroit qu’il  parvint a effacer en lui, par Venergie de  sa volonte \ jusqu’aux traces meme des  passions (i). Ne nous occupons pas non  plus de ce que le meme Theodoret  (Discours xn) emprunte encore a Por-  phyre, qui lui-meme suivait Aristoxene,  c’est-a-dire de ce qui se rapporte a la  premiere jeunesse de Socrate (elle n’est  pas en cause), et a ce disciple d’Anaxa-  goras, Archelaus, qui aurait ete, en tout  bien tout honneur, un ami fervent  (!pa<j-r]s) du philosophe. A la meme cate-  gorie appartient ce que S. Cyrille  [Contre Jidien, 6) a extrait de YHistoire  philosophi que de Porphyre, livre aujour-  d’hui perdu : a savoir que Socrate et ait  violemment pousse aux choscs de ia-  mour, mais qiiil s’abstint de faire tort a   (i) Voyez ce que l’on dit plus bas des marques  du « mauvais cheval Socratique. »    8    SOCRATE    (quam diu caelebs esset) communibus  uteretur. Nondum quidquam ex Por-  phyrio vel Aristoxeno, quem ille aucto-  rem sequitur, allatum est de horribili  scelere, Pcederastia : quod praetermissu-  rus non erat, qui satis hic in Philosophice  parentem iniquus est, Cyrillus. Decla-  mat igitur praeter rem Socrates alter  (Hist. Eccles. 3, 23, p. i gj, D), cum ita de  Porphyrio narrat, IIopcpupio; xou xopu^aio-  xaxoa xoiv <piXoao<ptov, Scoxpaxous, xov [3''ov oietu-  psv £v ifi YsypaixpiEvr] auxai <piA oaoow toxopta, xai  xoiauxa Tuept auxou ypa^a;xaxdXi7TEv, oia av p.7]xs  MeTaxo;, p.r[x£ v Avuxo; oi jpa^aixsvoi Swxpaxrjv  ItTictv e-zyjiprjGxv, ita traductum, ait, a  Porphyrio Socratem, talia de viro scripta,  quae neque accusatores ipsius Anytus et  Melitus dicere in ipsum ausi sint. Acci-  pimus, quod negat objectam in judicio  turpitudinem talem Socrati, quo nempe  argumento constet, famam viri hac tum  macula caruisse. Sed nec a Porphyrio  plura aut turpiora his memorata, quae  jam vidimus, satis illud argumento est ,  quod iniqui Socratis glorice homines,    9    ET L’AMOUR GREC   personne, en riusant jamais que de ses  propres femmes ou , durant son celibat,  des femmes qui apparticnnent a tout le  monde. Nulle part, soit chez Porphyre,  soit chez Aristoxene que Porphyre co-  piait, il n'est rien allegue de cet horrible  crime : Pederastie ! II ne Paurait point  passe sous silence, ce Cyrille si injuste  envers lepore de la Philosophie. IPautre  Socrate ( Histoire ecclesiastique, m, 23 )  avance donc une insigne faussete lors-  qu’il dit : « Porphyre a compose la vie  de Socrate, le coryphee des philosophes,  d’apres les histoires ecrites sur lui ; et il  nous a transmis, d Vaide de ces docu-  ments, des choses si monstrueuses que les  accusateurs de Socrate, Anytus et Meli -  tus, n’ont pas meme ose' les lui reprocher. »  Retenons seulement de ceci Taveu qu’on  n’en fit pas un grief a Socrate, lors du  jugement public, ce qui ressort de la  phrase elle-meme, et que cette tache fut  alors epargneeT a sa renommee. Mais  Porphyre n’a pas rapporte autre chose  ou des choses plus monstrueuses que ce    IO    SOCRATE    Cyrillus ac Theodoretus, non plura pro-  tulere, quibus fuerant haud dubie cau-  sam suam , si res facultatem dedisset,  ornaturi.    3. Nempe nec Aristophanes , qui cor-  ruptce ad impietatem et calumniandi ar-  tem juventutis accusat in Nubibus Socra-  tem . hujus criminis ullam mentionem  facit , non omissurus profecto , si illud  adhaerescere posse putasset. Nec forte  quisquam est ex omni antiquitate remo-  tiore illa, et temporibus Philosophi pro-  pinqua . , serius et severus accusator hujus  criminis. Lusit inter posteriores, pro  petulanti illo ingenio suo, Lucianus (de  CEco, ita enim potius dicendus erat ille  libellus quam de Domo, c. 4 , T. 3, p.  ig 2 , 83) cum accusat Socratem, qui non  erubuerit advocare Musas, virgines,  cuvsaojjiva; ia -aiBepaama, ut audirent  illos de puerorum amore sermones. At-  qui illi sermones, uti mox videbimus.    ET l/AMOUR GREC 1 I   que nous venons de dire ; nous en trou-  vons la preuve en ce que S. Cyrille et  Theodoret, deux detracteurs de Socrate,  n’en ont souffle mot, et qu’ils n’auraient  pas manque d’en orner leurs diatribes si  la chose eut ete possible.   3 . En second lieu, Aristophane qui, dans  ses Nuees , represente Socrate comme  un corrupteur de la jeunesse, comme  faisant de 1’imposture un enseignement,  n’a pas davantage mentionne cette accu-  sation; l’aurait-il omise, si elle eut pu  s’appliquer a Thomme qu’il bafouait? II  n’y a enfin personne, si l’on prend des  temoins dans cette antiquite reculee ou  dans les temps voisins du Philosophe,  qui se presente comme un accusateur  serieux et digne de foi. Plus tard seule-  ment Lucien, entraine par sa verve  moqueuse (dans 1’opuscule que l’on tra-  duit ordinairement De Domo et qu’il  vaudrait mieux traduire De CEco ,  chap. iv), reprocha a Socrate de n’avoir  pas rougi d ; invoquer les Muses, des    12    SOCRATE    reprehendant vehementer amorem : re-  spicit enim ad Phcedrum Platonis (p. 340 ,  G) de quo dedita opera dicendum erit.  Qua ? in Amoribus (c. 24. To. 2. p. 424 ,  go) in Socraticum amorem Platonicum-  que vel a Luciano, vel quicunque auctor  est, jocose et per calumniam dicuntur,  ea ad ipsum illum locum diluisse me  arbitror .    4. Sed veterum criminationes Maxi-  mus Tyrius ( Dissertat . 2S. 26. et 27  al. g. 10. 11) refutavit, ut non videatur  opus esse aliquid addi : cum praesertim  tanto magis et agnoscant innocentiam  Socratis, et illud crimen ab illo depel-  lant ut hujus, ita paullo superioris aitatis  homines, quo magis virum ex aequalium  ac paullo juniorum de illo scriptis ut  cognoscere possent, cuique contigit. Quin  ne consultum quidem judicarem veterem  litem resuscitare , nisi viderem, nuper    et l’amour grec i3   vierges, pour leur faire dcouter ces fa-  mcnx discours sur Vamour des jeunes  gargons. Mais ces discours, comme nous  allons le voir, blament fortement cette  sorte d’amour; Lucien fait, en effet,  allusion au Phedre de Platon dont nous  aurons a nous occuper. Ce que Fon dit  debamourSocratiqueet Platonique dans  les Amonrs , que ces dialogues soient de  Lucien ou de tout autre, n’est qu’une  plaisanterie ou une mechancete, comme  je\ l’ai demontre en temps et lieu (i).   4. Maxime de Tyr ( Dissertations 25 ,  26 et 27) a d’ailleurs refute toutes les ac-  cusations portees a ce sujet par les an-  ciens, etilserait inutile d’y rien ajouter.  Le meilleur argument, c’est que ceux qui  ont le mieux reconnu Tinnocence de  Socrate et repousse loin de lui avec le  plus de force 1’accusation infame, sont  les hommes de la generation qui a imme-   (1) Dans ses notes sur Lucien, dont il a fait une  edition et une traduction Latine tres-estimees. (Note  du Traducteur.)    H    SOCRATE    fuisse, et esse hodie homines eruditos, et  bonos viros, qui pravam de patre illo  Philosophia ? opinionem conceperint, quo-  rum non pono nomina, quia mihi non  cum ullo homine certamen esse volo,  sed cum opinione ea, quam praeterquam  quod falsam puto, etiam virtuti noxiam ,  praeter consilium quidem bonorum viro-  rum, humanitati certe adversam esse,  arbitror.    5. Qui autem fieri potuit, ut homines  neque indocti neque maligni in sinistram  falsamque de Socrate opinionem incide-  rint? ut apologia vir sanctus opus habeat?  Praeter naturalem illam -/.axor{0£tav nos-  tram, quae imis velut medullis fixa , et  superbiae illius nostrae nixa radicibus.    et l’amour grec i5   diatement suivi la sienne. Or, ce sont  les contemporains et leurs successeurs  immediats qui peuvent le mieux juger un  homme, en pleine connaissance de tout  ce qu’on aecrit sur lui. Je n’aurais donc  pas songe a ressusciter cette vieille que-  relle si je n’avais vu naguere, et tout  recemment encore, des hommes instruits,  vertueux, concevoir la plus mauvaise  opinion de ce pere de la Philosophie ; je  ne dirai pas leurs noms, ne voulant me  prendre corps a corps avec personne,  mais seulement avec une opinion que  je considere comme sans fondement,  nuisible a la vertu, et, contrairemcnt a  1’avis de ces gens de bien, defavorable a  1’humanite tout entiere.   5. Comment donc a-t-il pu se faire  que des personnages qui ne p£chent ni  par ignorance ni par mechancete, aient  concu de Socrate une opinion si facheuse  et si fausse? Pourquoi cet homme veri-  tablement saint a-t-il besoin d’etre de-  fendu? En dehors de cette maligni te    i6    SOCRATE    inter ultima vitia eradicatur, ceterasque  ex genere morum rationes, conveniunt  hic alia qucedam , quce facilem errandi  occasionem praebent. Magna pars docto-  rum etiam hominum legendi laborem  fugit, legendi uno tenore, continuata  attentione , totos veterum scriptorum  libros; sed satis habet decerpere quce-  dam, in quce primum incurrere oculi,  aut, quod deterius frequentius que idem,  repetere ab aliis excerpta, et e media  nonnunquam sermonum velut compage  evulsa, de quorum sic sententia non facile  sit judicare. Platonis libri , unde pleraque  Socratica peti hodie necesse est, multos  arcent ob Atticum illud sermonis genus,  breve et acutum, floridum praeterea, ac  semipoeticum, ipsamque disserendi ratio-  nem subtiliorem scepe, quam ut mediocri  attentione, non acutissimi homines illam  statim adsequantur. Nec licet , ut adhuc  res est, ad interpretes confugere ; qui  quoties vel nihil dicant, vel alia omnia  dicant, vix sine invidia licet commemo-  rare. Et tamen nisi attente legas, et to-    ET L.’AMOUR GREC    '7   naturelle qui reste fixee jusqu’au fond de  nos moelles, qui se fortifie de notre or-  gueil et qui ne s’arrache qidavec les der-  niers defauts, outre encore diverses rai-  sons tirees de nos mceurs, il a fallu pour  cela un concours de circonstances pro-  pres a faciliter 1’erreur. La plupart des  gens instruits eux-memes evitent la fa-  tigue de lire dans leur entier, avec une  attention soutenue, tous les livres ecrits  par les Anciens ; on a plus tot fait de  choisir quelques passages, les premiers  qui tombent sous les yeux, ou, ce qui est  bien pire, de s'en tenir aux passages  choisis par d’autres, a des fragments de-  taches de 1’ensemble et dont il est par  consequent difficile d’apprecier le sens  veritable. C’est ce qui arrive des livres  de Platon, d’ou il nous faut aujourd’hui  tirer toutc la doctrine Socratique ; iis  embarrassent bon nornbre de lecteurs  par leur style trop Attique, raffine et  aiguise, fleuri pourtant et semi-poetique,  par ces controverses si subtiles souvent  que, si 1’attention se relache, 1’esprit le    i8    SOCRATE    tos legas dialogos, et qua scripti sunt  lingua legas, non est ut de sententia  illorum, h. e. quam tribuat Plato sen-  tentiam Socrati, recte judices. Quare  mirum non est, si multi refugiant lectio-  nem ita laboriosam ; et illis veluti spinis  a familiari tractatione eorum librorum  deterreantur .    6. Denique si quid etiam tribuatur a  Platone Socrati, tamen, si illud Xeno-  phontis narrationi repugnet, non dubi-  taverim equidem, fidem potius adhibere  Grylli filio, memor illius, quod narrat  Laertius 3, 35, Socratem , cum Lysin  Platonis legisset, dixisse , to; tzoXKx uoj    ET l/AMOUR GREC 19   plus eclaire n’cn suit pas aisemcnt le fil.  Et il serait inutile, dans le cas present,  de recourir aux annotateurs ; ou iis  ne disent rien, ou iis disent tout  autre chose que ce qu’il faudrait ; on ne  peut s’empecher de leur en faire un re-  proche. Cependant, amoins de lire avec  un soin scrupuleux tous les dialogues de  Platon et de les iire dans la langue meme  ou iis ont ete ecrits, il n’est pas possible  de juger saineinent de leur doctrine,  c’est-a-dire de la doctrine que Platon  attribue a Socrate. Il n’est donc pas sur-  prenant que nombre de gens reculent  devant une si laborieuse lecture et  soient rebutes, comme par des epines,  du commerce familier de ces livres.   6. Enfin il faut dire que si Platon at-  tribue a Socrate une maniere de voir  contredite par la narration de Xenophon,  il n’y a pas a hesiter : c’est a Xenophon  qu’il faut se fier, si l’on se souvient du  mot rapporte par Diogene de Laerte  (ui, 35). Socrate, apres avoir lu le Lysis    20    SOCRATE    xaxe^uBeO’ 6 veavfoxo; ; Quam multa de me  mentitur adolescens! Tanto magis hoc  memorabile est , quod ille Dialogus ita  scriptus est, ut non modo tanquam per-  sona colloquens inducatur Socrates, sed  tanquam, qui ipsum illum dialogum  scripserit. Ceterum quia hic sumus, hoc  breviter indicamus, amatorium quidem  esse hunc libellum , sed nihil habere pu-  dendum ne Platoni quidem. Argumen-  tum hoc est : Queritur Lysidis amator  Hippothales, ab illo se non amari ; So-  crates ostendit, si velit amari, non adu-  landum esse puero, sic enim futurum  superbiorem ; sed illi potius ostenden-  dum, quibus rebus indigeat, et quam  parum in ipso sit boni (i). Deinde dela-  bitur in disputationem, Quis proprie  amicus sit vocandus? et, In quo insit  natura amicitia’ ? plenam illam quidem  cavillationum , sed praeclararum etiam  de amicitia sententiarum. Ceterum tri-   (i) Sic nempe ipse solebat Socrates in potestatem  quasi suam redigere adolescentulos, de quo que-  rentem audiemus Alcibiadem. § 3~.    ET L’AMOUR GREC    2 I    de Platon, se serait ecrie : « Comme ce  jenne homme invente souvent ce qu’il me  fait dire! » Le mot est d’autant plus  remarquable que, dans ce dialogue, So-  crate estpresente non comme un simple  interlocuteur, mais comme s’il avait  ecrit lui-meme tout le morceau. Pen-  dant quenous y sommes, disons brieve-  ment que cetouvrage roule sur 1’amour,  mais qu’il n’y a rien dont put rougir  Platon lui-meme. Voici le sujet : Hip-  pothales, qui aime Lysis, se plaint de ne  pas en etre aime; Socrate lui demontre  que s’il veut 1’etre, il ne faut pas qu’il  fiatte ce jeune homme, ce qui le rendrait  plus orgueilleux encore ; il vaut mieux  qu’il lui represente tout ce qui lui man-  que et le peu de bonnes qualites quhl  possede (i). On discute ensuite ces ques-  tions : Qui est digne d’etre appele un ve-  ritable ami? et, Quelle est la nature de  Tamitie? Controverse pleine, il est vrai,   (i) C’est ainsi que Socrate avait en effet coutumc  d’assujettir les jeunes gens & son autorite, et nous  voyons Alcibiade s’en plaindre. § 37.    22    SOCRATE    bui a Platone colloquentibus, de quibus  ipsi non cogitarint, vetus observatio est ,  de qua vid. Athenaeus Deipnos. i, i / ad  fin. p. 5 o 5 . Qiio dialogorum more se  excusat, etiam Varroni in Academico-  rum dedicatione Tullius. Neque ausim  Platonis ipsius, junioris praesertim, pa-  trocinium suscipere de mollioribus versi-  culis, quos Apulejus servavit (Apol.  p. 279 sq.) et Laertius Diogenes ( 3 , 2g) :  de quibus modo in neutram partem dis-  puto, causamque Platonis a Socratis  causa hac in re sejungo.    7. Quaecunque vero cum aliqua specie  testimonia Platonis contra Socratem pro-  feruntur, ea cum ex Phaedro, nescio  quam bona semper fide, corrupte quidem  et perverse non nunquam, depromi vi-  deam, propter ea pretium opera* putavi,    ET L’AMOUR GREC    23    de futilites, mais aussi de remarquables  definitions dePamitie. C ; est uneobserva-  tion qui a ete faite depuis longtemps,  que Platon attribue a ses interlocuteurs  des idees qu’ils n’ont jamais eues : on  peut consulter la-dessus Athenee ( Dei -  pnosophistes i, ii). Ciceron, qui avait le  meme defaut, s’en excuse sur le genre  meme du dialogue , dans son envoi des  Academiques a Varron. Je n’ose pas non  plus defendre Platon du reproche d’avoir  commis, surtout dans sa jeunesse, des  vers badins tels que ceux que nous ont  conserves Apulee (dans son Apologie) et  Diogene de Laerte (m, 29); vieux ou  jeune, jen’ai pas affaire a lui et je separe  completement sa cause de celle de So-  crate.   7. Entrelesdiverstemoignages fournis  par lui, ceux que Ton peut alleguer con-  tre Socrate avec quelque apparence de  justesse sont tires du Phedre ; pas tou-  jours bien scrupuleusement et quelque-  fois a 1’aide d’alterations ou de contre-    24    SOCRATE    non semel totum illum dialogum attento  animo perlegere , et uno quidem tenore ,  et lingua sua, ne quid eorum me falleret,  qua • saepe fraudi esse viris doctis, modo  dicebam. Ac spero non ingratum fore  aliis, quorum rationes non ferunt tam  longam solicitamque operam, si hic pos-  sint brevi studio cognoscere velut oecono-  miam illius libri et argumentum, inde-  que de toto consilio vel Platonis vel  Socratis arbitrari. Concedamus enim, ne  abuti videamur illa, quam modo propo-  suimus observatione, Socratis hic veram  sententiam bona fide a Platone proponi.    8 . Ac primo illud meminerimus, So-  cratem hic (p. 340, E) introduci senem,  tantum non decrepitum, quem facile ju-  venis Phaedrus viribus superet. Jam  fingitur Phaedrus audisse Lysiam dispu-  tantem, magis obsequendum gratifican-  dumque esse non amanti, quam amanti :  camque orationem Socrati prcelegere    ET L AM0UR GREC    25    sens. Cest ce qui m’a engage a lire  attentivement ce dialogue, et plutot deux  fois qu’une, dans son entier, et dans le  Grec, afin d’echapper a ces chances d’er-  reur dont j’ai parle plus haut et qui font  trebucher les plus doctes. II sera peut-etre  interessant, je 1’espere, pour ceux dont  1’esprit repugnerai-t a une besogne si  longue et si difficile, de connaitre sans  grande etude le sujet et pour ainsi dire  1’economie de ce livre, et de pouvoir  apprecier toute la theorie de Platon ou  de Socrate. Nous admettrons, pour ne  pas abuser de la reserve faite par nous  plus haut, que la doctrine de Socrate a  ete ici exposee de bonne foi par Platon.   8. Rappelons d’abord que Socrate y  est presente comme un vieillard, non  pas tout a fait tombe en decrepitude,  mais qu’un jeune homme, comme Phe-  dre, peut maitriser aisement. Phedre ra-  conte qu’il a entendu Lysias discourir  sur cette question : Un jeune homme  doit-il avoir plus de facilite et de com-    3    SOCRATE    2b   (a p. 338 , C. ad 33 g, G). Reprehendit  hanc Lysiae orationem , cante quidem et  multa cum ironia Socrates , et meliora se  audisse ait , quae dicere illum amabilis-  sime cogit Phcedrus. Incipit hic a Musa-  rum invocatione (p. 340 , G) quam calum-  niatur, ut modo dicebamus 3 ), Lu-  cianus : cum sit nihil in ea oratione non  virginum auribus dignissimum. Orditur  a definitione Amoris (p. 341, D) quem  vocat cupiditatem , quae incitate feratur  ad voluptatem ■ pulchritudinis, et inde,  quam mala res, quam noxia sit, ostendit  (ad p. 342, F) et claudit hexametro :   A'j-/.ol aova oi^ouV, ojq ~aToa epAouVjtv  1 r’ 1 !   |Sf/aTra’..   Ut cordi agna lupo est, puerum sic ardet amator.    9. Bene ista , et Musis faventibus. Sed  subito, At Amor tamen Deus est, inquit ,  et palinodiam parat , quae incipit (p. 3 43 .    ET LAMOUR GREC    2 7    plaisance pour celui qui ne 1’aime pasque  pour celui qui Faime ardemment ? II lit  ensuite ce discours a Socrate. Celui-ci,  avec beaucoup de finesse et ddronie,  trouve a blamer dans la composition  oratoire de Lysias et pretend qu'il a en-  tendu dire la-dessus autrefois de bien  plus belles choses; Phedre le conjure de  les lui rapporter. Socrate debute alors  par cette invocation aux Muses que Lu-  cien a calomniee, comme nous le disions  plus haut, car il n’y a rien dans tout le  discours qui ne soit parfaitement digne  des oreilles chastes. II commence par la  definition de 1’amour, qu’il appelle un  desir violemment entraine vers le plaisir  que promet la beaute ; il enumere en-  suite les ecarts auxquels il peut pousser  et conclut parcet hexametre :   Comme le loup aivic Vagneau , ainsi Vamoureux   [cherit le jeune garcon.   9. Voila qui est bien, grace aux Muses.  Mais aussitot : L’ Amonr est cependant  un Dieu, s’ecrie-t-il ; et il entrcprend une    28    SOCRATE    F) ab eo, uti dicat, non ideo amorem  damnandum fuisse, quod sit furor ; esse  enim furorem etiam bonum aliquem :  ipsam [jLavTixrjv 5. divinatoriam facultatem  esse a verbo [i-aiveaOai dictam , velut quan-  dam [j.avi/7]v s. furiosam. Talis furoris  plura genera enarrat , in his etiam ponit  amorem, cumque (p. 344, C ) magnae  felicitatis causa tum amantis cum amati  datum his esse divinitus, conatur osten-  dere. Ad eam demonstrationem sumit  primo hanc propositionem. Omnem ani-  mam esse immortalem, quam inde pro-  bat (quam bene vel male , nunc non dis-  putamus) quod principium motus sui in  se habeat.    1 0 . Deinde similem ait animam no-  stram, etiam antequam ea in corpus ve-  niat, bigae alatae cum suo auriga. Alte-  rum hujus biga 3 equum bonum ponit et  tractabilem (ibid. E), malum alterum ac  refractarium. Sic coelestia spatia ingre-  diuntur ista • cum suo auriga bigce, et    ET l’aMOUR GREC 2(J   palinodic en declarant tout d’abord que  1’amour n'est pas condamnable en soi,  qu’il estun delire, et que dans tout delire  il y a quelque chose de bon ; que fxavnxr],  la divination, derive du mot (jiodveaGai,  comme qui dirait [xavtxr), c’est-a-dire  folle. II compte diverses especes de  delires parmi lesquelles il place 1’amour,  et il s’efforce de montrer que c’est un  present divin fait a bhomme pour le plus  grand bonheur de celu*i qui aime et de  celui qui est aime. Sa demonstration  s’appuie sur cette proposition premiere:  Tonte dme est immortelle, dont il tire la  preuve (bien ou mal, ce n’est pas notre  affaire) de ce qu’elle a en soi le principe  de son mouvement.   io. Il compare ensuite notre ame,  avant qu’elle ne vienne habiter un corps,  a un attelage aile, compose de deux  chevaux et d’un cocher. L’un des  chevaux est excellent et docile ; 1’autre,  d’un mauvais naturel et retif. L’attelage  parcourt ainsi les espaces celestes, avec    3 .    3o    SOCRATE    Deorum aliquem secutce (Socratis anima  Jovem , p. 846 , D) ea spatia permeant.  In hoc volatu et illa equorum dissimilium  dissensione, alia; quidem anima; retinent  alas, et ad sublimia feruntur, contem-  plantur que ea etiam, qua; extra supre-  mum coeli orbem sunt (p. 345 , B). Alia;,  qua; partim in altum elata; viderunt plu-  ra, partim ab equo illo refractario impe-  dita; ac retractae, pauciora ; ruptisque  per illam equorum in diversa tendentium  luctam pennis atque amissis, cadunt, et  in corpora humana veniunt.    1 1 . Harum, pro gradu cognitionis  illius et inspectionis rerum coelestium  diverso, novem classes constituit (ibid. F).  Qua plurimum veritatis et rerum coeles-  tium vidit anima, ea inseritur semini, e  quo nascatur aliquis sapientias, pulchri,  doctrinas, et amoris studiosus, st? yovfjV    et l’amour grec 3 I   son cochcr, et s’elance a la suite de l’un  des douze dieux ( 1 ’ame de Socrate sui-  vait Jupiter). Dans cette course a travers  les espaces et malgre la lutte des deux  chevaux, si dissemblables, quelques ames  parviennent a garder leurs ailes, voya-  gent dans les regions etherees et con-  templent meme ce qui est au dela de la  voute du ciel. Les autres, parfois em-  portees jusqu'aux plus hautes regions,  parfois retenues et embarrassees par le  cheval retif, n’arrivent qu’a connaitre  une partie des mysteres ; dans cette lutte  des chevaux qui tirent en sens inverse,  elles brisent et perdent leurs ailes ; ces  ames tombent alors sur terre et sont  emprisonneesdans les corps des hommes.   1 1 . Suivant le degre de connaissance  qu'elles ont atteint dans la contempla-  tion des essences, Socrate divise en neuf  classes ces ames dechues. Celle qui a  per9u le plus de verite et de choses  sublimes, vient animer le germe d’ou  naitra un homme tont entier consacre au    32    SOCRATE    avopo? ycV7]ao[j.c'vO’j ? oiXoao^ou, 7) <pt\oxaXou, tj  fi.ouaixou Ttvos, x at spamxoy. Secundi fastigii  anima animabit regem, legibus, bello,  imperio, potentem : tertiae classis anima  civitatis familiaeque regendae et rei fa-  ciendae peritum : quartae, laboris aman-  tem eundemque in exercendis sanan-  disve versantem corporibus : quinti  ordinis animae vitam habebunt in vati-  cinando, aut in castimoniis initiisque  mysteriorum occupatam : sexti, poetas :  septimi, geometras aut fabros : octavi  sophistas aut cum factione populares :  noni denique animabunt tyrannidis cu-  pidos. Multa hic nec injucunda de hoc  ordine , de his vitee generibus, disputandi  occasio : sed maneamus in argumento  nostro.    12 . Ha’ omnes anima?, cum morte dis-  cesserunt a corporibus, in locum vel pce-    33    ET L’AMOUR GREC   culte de la sagesse, de la beaute , de la  Science et de Vamour ; Vdme du second  degre vivra dans le corps d’un roi juste ,  belliqueux et capable de commandere  celle du troisieme fonnera un homme  habile a administrer sa famille, sa cite  ou la chose publique ; celle du quatrieme  un athldte laborieux ou un medecin, tous  deux occupes soit d exercer le corps  humain , soit d le guerir ; les ames de la  cinquibme classe passeront leur vie , soit  d predire 1’avenir, soit d initier aux  abstinences et aux mysteres ; celles de la  sixieme former ont des poetes ; celles de  la septieme , des laboureurs ou des ou-  vriers,- celles de la huitieme, des sophistes  ou des chefs de factions populaires ;  celles de la neuvidme, enfin, des tyrans.  Ce serait peut-etre 1 ’occasion de dispu-  ter, et non sans agrement, des rangs  assignes a ces ames et de leur genre de  vie : mais restons dans notre sujet.   1 2.Toutes ces ames,quandle trepas les a  separees du corps, parviennent au sejour    SOCRATE    34   narum vel pr cerni orum perveniunt, et  mille exactis annis, accipiunt potesta-  tem eligendi sibi nova corpora , vitas  novas, sive hominum sive bestiarum .  Quce anima ter sibi, exactis millenis illis  annis, primam istam sedulo philoso-  phantis, sive pueros cum philosophia  amantis, vitam delegerit (p. 3g5, G) tou  <ptXocrocprjaavto; aooXc. 05, r] "atospaaxrJcjavTO;  [j.£xa <ptXoao<p''a;, ea, absoluta ista ter mille  annorum periodo , pennas denuo accipit,  quibus ut ante tolli, deum aliquem sequi,  contemplari coelestia , queat : cum reli-  quarum octo classium animae, non nisi  decies mille annorum periodo absoluta,  in primam illam conditionem restituan-  tur. Hoc ipsum quod primam et felicis-  simam classem Paederastarum philoso-  phantium constituit, quod tantum prae-  mium illis, compendium septies mille  annorum, tribuit Mythi hujus s. Allego-  ria ? auctor, sive Socrates fuit, sive Pla-  to ; hoc ipsum igitur jam satis monere  nos poterat, non posse hic sermonem esse  de re ita turpi , quam fuisse illud, cujus    ET LaMOUR GREC    35    des peines et des recompenses, et au bout  de mille annees, recoivent la permission  de choisir de nouveaux corps, soitd’hom-  mes soit de betes, et de vivre de nou-  velles vies. L’ame qui, durant trois revo-  lutions de mille annees, trois fois de  suite a choisi Texistence d’un homme  quicultive sincerement la philosophie, ou  qui aime les jeunes gens d'un amour  philosophique , a 1’expiration de cette  triple periode, recouvre les ailes qidelle  possedait autrefois et peut, comme au-  paravant, suivre l’un des dieux et con-  templer les essences celestes. Les huit  autres classes ne retournent a cette con-  dition premiere qu’apres une revolution  de dix mille annees. Ainsi la premiere  classe et la plus heureuse est celle des  philosophes amis des jeunes gens, et l’in-  venteur de ce mythe ou allegorie, que  ce soit Socrate ou Platon, la favorise  d’une exemption de sept mille annees :  cela seul nous avertit assez qu’il ne peut  etre question ici de ce vice infame dont  on accuse Socrate et que d’ailleurs les    36    SOCRATE    postulatur Socrates, ipsis etiam legibus  Atticis, paullo post ostendemus : sed ma-  gis hoc apparebit, si quis ea, qu ce sequun-  tur, apud Platonem paullo attentius  considerare mecum voluerit.   i 3 . Intelligentia hominum , ex pluribus  rebus sensu perceptis collecta, nihil est  aliud, quam recordatio illorum, quae  anima in illo volatu suo coelesti viderat,  quae sola verum illud ens sunt (t 6 ov-co;  ov, p. 346, A). Haec intelligentia maxima  est in illa prima philo sophantium paede-  rastarum classe : haec ipsa est, ob quam  alas soli recipiunt, quibus volatum illum  coelestem, deorumque comitatum tentant :  prae qua terrena hcec, et sensus externos  ferientia, ita negligunt, ut male sani  aliis et furiosi videantur, icocpa -/.ivouvts?,  quos commotos s. commotce mentis  vocat Horatius (Serm. 2, 3 , 2og et 278),  cum re vera divino quodam spiritu agi-  tentur, svOouaux^oviss, qui illos semper ad  coelestem illam pulchritudinem revocet,  quam in priore volatu viderant.    ET L AMOUR GREC 87   lois Athenicnnes reprimaient, comme je  le demontrerai tout a 1’heure ; cela de-  viendra plus evident encore pour qui  voudra bien examiner attentivement  avec moi ce qui suit dans Platon.   i3. L’intelligence humaine est formce  de la reunion des idees percues a l’aide  des sensations, et les idees ne sont rien  autre chose que les reminiscences de  ce que 1’ame a vu anterieurement dans  son vol celeste, c’est-a-dire des essences  veritables. Or 1’intelligence la plus com-  plete appartient a la premiere classe, a  celle des philosophes amis zeles des  jeunes gens, et c’est pourquoi seuls iis  recouvrent les ailes a 1’aide desquelles  iis pourront essayer de nouveau de par-  courir le ciel et suivre le cortege des  dieux. Detaches des soins terrestres et  de tout ce qui frappe les organes, iis pas-  sent pour des insenses et des hommes en  delire, -apa/ivoSvis?, de ceux qu’Horace  appelle des fren^tiqucs, des esprits trou-  bles, tandis que vraiment ce sont des en-    4    38    SOCRATE    14. Haec pulchritudo , qucc inest in  sensu, <ppov 7 ]<m (p. 846, E), in mentis  qua vult et intelligit prostantia, si ita in  oculos, ut alia quce videri his possunt,  incideret , ad mirabiles sui amores exci-  tatura esset. Jam pulchritudo sola corpo-  rum, hanc (Aotpav habet, hoc velut fatum,  et conditionem , uti subeat oculos, ut amo-  rem moveat. Hinc ponamus ipsa verba ,  ut existimare melius ac certius de tota  re possint etiam, quibus ad manus non est  Plato ipse, vel magnum volumen de pluteo  promere non lubet. c O piv oOv pu] vsoxeXt];,  ■Jj otscpQappivos, oux otjiiog evOevOs Exstas ©s'psxat  7ip6; auxo xo xaXXo;, Ostopisvo; a3xou xrjv xrjoE  smavupiiav. waxs ou as'6sxat 7rpoaopojv, aXX’  7]3ov^ 7:apaoou;, zBzpdtTzodog vo ptco (Batvstv S7Ct-  y stpsT xat 7iat8oa7EOpstv. xal u6pst x:poao|j.tXaiv,  ou os'ootxsv ou 8’ ata/uvsxai IIAPA ‘I^TXIIN ( 1 )    (1) Notabile est, Platoni etiam de Ijcgib. r .    ET LAMOUR GREC 3y   thousiastes, agites comme d’un transport  divin, qui les attire sans cesse vers cette  beaute celeste precedemment entrevue  par eux dans leur vol.   14. Cette beaute, dont Pessence reside  dans un sens particulier, la sagesse,  source de la volonte et de 1’intelligence,  s’il etait donne a l’oeil de 1’apercevoir,  comme toutes les autres choses visi -  bles, elle nous exciterait a d’admirables  amours. Mais c’est seulement la beaute  corporelle, telle est sa necessite fatale et sa  nature, qui frappe les yeux et nous porte  a 1’amour. Ici nous placerons le texte  meme afin que ceux qui n’ont point Pla-  ton sous la main ou qui ne se soucient  pas de tirer du rayon un gros volume,  puissent se faire une opinion en toute    p. 56g, E. hanc turpitudinem appsvwv np 6?  appevag, Ij OrjXsTwv xpog OrjXsix;, to ITAPA  •bTSIN To'X[j.7)p.a appellari. Non igitur Plato-  nem , vel Socratem adeo, feriunt divina illa ful-  mina Pauli Rom. /, 26 . sq., ut neque ea, qua ? in  idolatriam vibrantur.    40    SOCRATE    f,5ov7]v 0 -W.ojv. '0 8e apttteXrj?, 6 twv xdxe  TroXuGcapojv, oxav OsoEtSsg r.poaioTzov' t07), -/.aX-  Xo; eu [j.E[j.vr ( [x£vov rj uva ac;o$fj.axo ios'av —  oj? Geov a£'6sxai. Hcec ita verto, Hic ergo,  qui non est nuper illis mysteriis coeles-  tibus in illo volatu animarum initiatus,  aut, initiatus cum esset, corruptus est,  non celeriter, ut oportebat, hinc, ab hac  corporea, non vera, pulchritudine, illuc  fertur ad ipsam veram, coelestem pul-  chritudinem, cujus hic videt nomen,  umbram , similitudinem : itaque neque  inter adspiciendum eam, divinum quid-  dam colit : sed libidini se tradens, qua-  drupedis ritu inscendere formosum co-  natur, et genitale semen profundere, et  cum contumelia (vid. ad §. 18) congres-  sus formoso corpori , non veretur, nec  erubescit PRXETER NATURAM libidi-  nem persequi. At ille nuper initiatus,  qui multa eorum quae tum videbat ,  contemplatus est, ubi vultum divino  similem conspexit, qui pulchritudinem  illam veram bene imitetur, aut incor-  poream quandam illius speciem, verbo ,    ET L’AMOUR GREC    41   certitudc. « L’homme qui n’a pas un  « souvenir recent de son initiation aux  « mysteres, ou qui, recemment initie,  « s’est laisse depraver, ne s’eleve pas fa-  « cilement, comme il faudrait, de cette  « beaute corporelle, qui n’est pas la  « vraie, a cette beaute celeste, absolue,  « dont il ne rencontre ici-bas que le nom,  « 1’ombre, la ressemblance ; en 1’aper-  « cevant il n’y respecte rien de divin.  « Entraine par la volupte, il se precipite,  « comme une brute, sur 1’objet de ses  « desirs, ne cherche qu’a genitale semen  « profundere et, outrageant ce beau  « corps qu ? il etreint, il n’a pas honte, il  « ne rougit pas de poursuivre un plaisir  « contre nature ( 1 ). Au contraire, l’hom-  « me, encore plein des saints mysteres  « qu’il a longtemps contemples autrefois,    (1) 11 est remarquable que Platon, meme dans ses  Lois, appelle crime contre nature le commerce hon-  teux marium cum maribus, et feminarum cum fe-  minis. Les foudres de Saint Paul ( Ep . aux Rom. 1.  26) n’atteignent donc ni Platon ni Socrate, pas plus  que celles qu’il lance contre 1’idolatrie.    42    SOCRATE    virtutem speciosam : — Dei instar  colit.    i5. Deinde enarrat pheenomena quae-  dam hujus sancti et philosophici amoris ,  similia, ex parte Venerei, et quomodo  illa ' alce, quas amiserat anima , hinc de  novo crescant, sub Allegoria perpetua  describit, qua nihil aliud tandem indicat ,  quam enthusiasmum quendam , et injec-  tam divinitus philosopho cupiditatem  versandi cum pulchris, h. e. ingenio vel  forma potentibus, adolescentulis : quos  nempe captabat Socrates, qui sciret , cum  facilius sit formare ad sapientiam et  virtutem hanc aetatem, tum hos esse, a  quibus futura civitatis fortuna pendeat.  Hinc est quod se venari pulchros non dis-  simulabat (vid. Protagora > principium ,  frustra reprehensum Cyrillo contra  Julia, i, 6, p. i8j, A), quod Xenophon-  tem baculo etiam transverso objecto    et l’amour grec q'3   « en presence d’un visage presque divin  « ou d’un corps dont les formes lui rap-  it pellent 1’essence de la beaute, c’est-a-  « dire 1’essence de la vertu, adore comme  « en presence de la divinite. »   i5. Platon retrace ensuite quelques-  uns des phenornenes de ce saint et phi-  losophique amour, parfois peu different  de l’autre; il montre aussi comment re-  poussent les ailes autrefois perdues par  rame. C’est une allegorie perpetuelle  dont la conclusion est que le philosophe  con^oit, par une sorte de grace divine,  le plus fervent desir de vivre au milicu  des beaux adolescents distingues par la  perfection de leurs formes ou par leurs  dispositions naturelles. C’est ceux-la, en  effet, que Socrate ambitionnait de gagner ,  sachant qu’il est facile, a cet age, de les  tourner au bien et a la vertu, et que  c’est d’eux que dependent les futurs des-  tins de la Republique. II appelait cela  prendre les beaux garcons dans ses filets  (voyez la-dcssus le commencement du.    44    SOCRATE    velut exceptum, sibi adjunxit (Diog.  Laert. 2, 48). Ipsum illud hinc est , quod  gymnasia , conviviaque et deambulatio-  nes, quoscunque denique juvenum coetus,  sequebatur, quod ludos et jocos non refu-  giebat, quod se plane communem illis  faciebat , nec irrideri aut peti maledic-  tis refugiens. Ipsa illa ironia perpetua,  quod doceri se velle simularet , certe dis-  cendi causa disputare , ut accessum ad  Sophistas illi dabat , ita adolescentulo-  rum super bulae de se opinioni et praeci-  pitantiae blandiri videbatur. Sed perga-  mus Platonis Mython enarrare.    16. Philosophi illi amatores pulchro-  rum non indiscretim omnes amant , sed  (p. Sdy, C) quem quisque in illo coelesti  volatu Deum secutus est , ejus Dei si-  milem sibi quaerit amasium; qui Jovem ,  ut Socrates, Jovialem (Auvov x wa), Martia-  lem vero qui Martem, et sic Junonios.    ET L AMOUR GREC    45   Protagoras , blame a tort par Saint Cy-  rille), et il se fit de la sorte un disciple  de Xenophon qu’il arreta en lui barrant  le passage avec son baton. Voila pour-  quoi aussi il frequentait les gymnases,  les banquets, les promenades, tous les  lieux de reunion des jeunes gens, ne  fuyait ni les jeux ni les badinages, s’en-  tretenait avec tous et s’inquietait peu de  preter a rire aux medisants. Cette ironie  perpetuelle grace a laquelle il feignait  toujours de vouloir apprendre, pour  mieux enseigner, lui donnait acces au-  pres des Sophistes et flattait aussi la suf-  fisance et la presomption de la jeunesse.  Mais achevons d’exposer le Mythe de  Platon.   16. Ces philosophes amoureux des  beaux garcons ne s’attachent pas indis-  tinctement a tous ; selon le dieu quhls  accompagnaient dans les espaces etheres,  chacun d’eux choisit parmi les anciens  suivants du meme dieu celui qu’il doit  aimcr. L’ame qui etait, comme celle de    SOCRATE    46   Bacchicos , Apollineos : et talem ubi in-  ventum amare coeperint , faciunt omnia ,  uti Deo illi, quem ipsi secuti sunt, et cu-  jus jam similitudinem quandam in ipso  deprehenderunt, sibique adeo , reddant  quam similimum. Ita Socrates, Jovis in  illo volatu satelles, quaerit Joviales, ama-  tores natura sapientiae, et natos ad im-  perandum. Hactenus ergo bene res ha-  bet, sancti tales Paederaslce, J elices qui  sic amantur.    / 7 . Sed nec dissimulanda sunt quae  sequuntur apud Platonem. Redit Socrates  (p. 3 -lj, F) ad superiorem illum de Ani-  ma Mythum (’§. 10), quam triplicis na-  turae ponit scilicet. Sunt vellit equi duo,  est auriga. Equorum alter bonus, sanus,  verecundus, gloria • amator , qui sine pla-  gis, sola ratione auriga regitur : pravus  alter, qui multum ac temere una aufera-    ET L AMOUR GREC    47   Socrate, dans le cortegc de Jupiter, re-  cherche un suivant de Jupiter, et ainsi  des autres qui avaient choisi Mars, ou  Junon, ou Bacchus ou Apollon. Des  qu’ils Pont trouve, iis s’efforcent de  rendre celui qu’ils aiment semblable a ce  dieu dont iis retrouvent en eux-memes  le caractere. Ainsi Socrate, satellite de  Jupiter, recherchait pour les cherir ceux  qui avaient aussi suivi ce dieu, c’est-a-  dire ceux qui, par nature, etaient portes  a la sagesse et a la domination. Jusqu’ici  tout va bien ; de tels Pederastes sont de  vrais saints, et bien heureux ceux qui  sont aimes de la sorte !   17. Mais il ne faut pas dissimuler ce  qui vient apres dans Platon. Socrate re-  tourne au precedent Mythe de hame  qu’il a coniparee aux triples forces reu-  nies de deux chevaux et d’un cocher.  L’un des chevaux est bon, sam, plein de  retenue et d’emulation ; le cocher le di-  rige, sans avoir besoin du fouet et par  la seule persuasion : 1’autre est mechant    SOCRATE    48   tur , (impetu alieno potius feratur ,  smo judicio) dura ac brevi cervice, simus,  nigri coloris, glaucis oculis, suffusus san-  guine, petulantia contumeliaque gau-  dens, hirsutus circa aures, surdus, fla-  gello ac stimulis vix tandem concedens.  Operet ? pretium videtur mali equi notas  etiam Gra } ce ponere : cxoXt 65, ~oXu; eixrj  a'j[j. 7 :scpopr]|j.^vo?, xpaTEpauyrjv, ( 3 payuipayrjXo?,  aipLOTCpoacoro;, [xsXayypa);, yAauxop.p.a“0?, oepat-  [xo;, u6p ew; xal aXa^oveiac staTpo?, zept coxa  Xaaco; , xwipog , gaartyt p.S7a xdvxpwv [xdy.;   UTEclXOJV .   r<S\ Apposui Graeca , ut facilius judi-  cari possit , probabilisne sit conjectura, in  quam incidi , dum in hac equi mali de-  scriptione versor. Nempe, aut vehemen-  ter fallor, aut memorat hic Socrates non  tam equi mali proprie dicti signa, quam  sui corporis formam, quatenus vitiosum  inde ingenium colligebat physiognomon  ille Zopyrus. Hic enim , ut est apud Ci-  ceronem (de Fato c. 5), Stupidum esse  Socratem dixit et bardum, — addidit    ET L ; AMOUR GREC 49   et s’emporte facilement, sans raison au-  cune (c 7 est-a-dire qu’il semble dirige plu-  tot par une force exterieure que par son  propre jugement); il a 1’encolure courte  et dure, les naseaux apiatis a la maniere  du singe, le poil noir, les yeux glauques  le sang le tourmente et il est toujours en  rut et en querelles ; il a, de plus, les  oreilles velues, il est insensible a tout et  n 7 obeit qu’a peine au fouet et a 1’aiguil-  lon. Il est necessaire de transcrire, dans  le texte Grec, ces marques particulieres  du mauvais cheval.   18. J’ai cite le texte afin qu’on puisse  decider si la conjecture que me suggere  cette description du cheval retif a quel-  que vraisemblance. Ou je me trompe  fort, ou Socrate ici retrace moins les ca-  racteres d 7 un cheval defectueux que son  propre portrait, dans lequel le physio-  nomiste Zopyre trouvait les indices d’un  naturel vicieux. Zopyre, au dire de  Ciceron (Du Destin , chap. v) pretendait  en effet que Socrate etait lourd et stu~    DO    SOCRATE    etiam mulierosum. Illud de stupore con-  venire cum Homzne xpaTepau/7)v et (3payuxpa-  mox declarabitur : quod muliero-  sum dicebat, illud cum G6psa Ixatpop con-  gruit : novimus enim quos uSp-.sxa; tum  dixerit Graecia ( i ). Porro illud aipio-pd-  aw-ov plane pertinet ad notationem Socra-  tis, in quo cum deridetur a Critobulo (2),  tum ipse suaviter sibi illudit, et in eo  patulisque non modo deorsum sed in hori-  qontem naribus, non minus quam in ocu-  lis ultra frontem eminentibus, et labio-   (1) Unum ponamus exemplum e libello, quipree  manu est, Aristotelis Physignom. c. ult. p. / 18 1,  E. 01 (Jisya cpcnvotjvxs; papuxovov, OSpiaxa^. Ava-  tpspexat £~1 xoj; ovoj;. Physiognomones e simili-  tudine vocis asinina: argumentum ducunt ad libi-  dinem asininam. Conf. § 14, it. 32 .   (2) Xenoph. Sympos. c. 4, § /p, Socrates ad  Critobulum, formee sua: jactatorem, x; xoDxo ; w?  yap /a! Ip.o 0 ' zaXXtcjjv wv xauxa v.oxt.xCv.c,, Quid  istuc? quasi me quoque pulchrior esses, ita gloriaris.  Ad qua: Critobulus , Nrj Ata, rj Ttavxcov SsiX7jvwv  xmv sv aaxupixoh; alaytaxo; av eVtjv . Nisi te for-  mosior essem, ait, essem Sileuorum, qui in Satyri-  cis fabulis in scenam veniunt, turpissimus.    ET L t AMOUR GREC    5i    pide; il aurait ajoute : adonrtd anx plai-  sirs veneriens. Pource qui est dela lour-  deur, cela concorde avec 1’encolure  courte et dure ; adonne anx plaisirs ve-  neriens, repond a &'6peto; ItaTpo;. Nous  savons, en effet, quels etaient ceux que  les Grecs appelaient uSpiatat' (i). Quant a  la face simiesque, cette designation s’ap-  plique parfaitement au portrait de So-  crate ; il y a fait lui-meme agreablement  allusion en repondant aux moqueries de  Critobule ( 2 ). Il avoue que toute sa  beaute consiste en un nez epate et me-  nafant le ciel, en des yeux saillants et    (1) Contentons-nous d’un seul exemple tird du livre  que nous avons sous la main , le De Physiognomia ,  d’Aristote : Ceux qui ont la voix forte et grave  sont &6picrcai, par similitude avec Vane. De ce que  la voix £tait bruyante comme celle de l’ane, les phy-  sionomistes conci uaient qu’on devait avoir le tempe-  rament lascif de cet animal.   (2) Xenophon (Banquet, ch. IV, 19). Socrate dit il  Critobule, qui vante sa propre beautd : « Quoi donc ?  Tu crois etre plus beau que moi ? » Critobule lui  repond : « Si je n’etais plus beau que toi,je serais  le plus affreux de ces Silenes que Von voit paraitre  dans les drames salyriques. »    5 2    SOCRATE    rum tumore molli , pulchritudinem suam  prcedicat (Xenoph. Sympos? c. 5) sicut  in Platonis Convivio (vid. §. 35) Sileni  s. Satyri formam Alcibiades illi tribuit :  et in Tlieceteti Platonici principio Theo-  dorus negat pulchrum esse Thecetetum,  cum sit Socrati similis, tQ te cijxo-rjta xat  to s£w twv o[j.[j.aTtov, naso simo et eminen-  tibus oculis, licet minus quam Socrates  utraque re sit notabilis. Nempe hcec si-  gna cum haberentur, et naturales quae-  dam notce, hominis libidinosi, iracundi  et stupidi, non negabat illud Socrates,  verum eo majoris faciendam esse Philo-  sophiam ostendebat, quee tantum contra  vitiosam naturam valeret.    iy. Quoniam hic sumus, non injucun-  dum forte fuerit lectoribus nostris in  rem quasi preesentem ire, et ex artis,  qualis tum erat, praeceptis, Zopyri judi-  cium defendere. Vix autem opus est  admoneri lectores, non hoc agi, Num  veri aliquid sit in ea arte? Num ipso    ET L ? AMOUR GREC    53    des levres gonflees comme un abces ; de  meme dans le Banquet de Platon, Alci-  biade compare son masque a celui de  Silene ou d’un satyre, et au commence-  ment du Theatdte , l’un des interlocu-  teurs, Theodore, refuse toute grace a  Theatete en disant qu’il ressemble a So-  crate, qu’il est camard et que les yeux  lui sortent de la tete ; que pour etre chez  lui moins apparents que chez le maitre,  ces defauts n’ensontpas moins sensibles.  Socrate ne niait pas d’ailleurs que ces  particularites physiques n’indiquassent  un homme lascif, violent et d’un esprit  paresseux ; il en concluait seulement en  faveur de la Philosophie qui parvient a  dompter un si vicieux naturel.   19. Pendant que nous y sommes, il ne  deplaira peut-etre pas au lecteur d’aller  plus au fond sur ce chapitre et de de-  fendre les idees de Zopyre, idees basees  sur des regles alors acceptees. Il nes’agit  pas de savoir si cette Science est sure ;  est-ce que 1 ’excmplc meme de Socrate    SOCRATE    54   etiam Socratis exemplo ea refellatur, et  vanitatis convincatur? sed hoc modo ,  quod dixi, Utrum Zopyrus ex arte, et  ut oportebat, judicium de illo tulerit?  Exstat in operibus Aristotelis libellus,  <J>uaioyvoj[juxa inscriptus, quo superiorum  hujus artis consultorum collegisse prae-  cepta videtur . Hinc ea, quee ad formam  Socratis, qua ? ad equi hujus mythici na-  turam pertinent , huc transferamus.   2 0 . Igitur (c. 3, p. 1 1 j3, B) inter ’Avai-  c07j- ou hoc est stupidi , et sensu communi  pene carentis signa sunt ~'x nepl tov auysv a  aap'/.oj07) 7.ocl G'j[j.7ZB7zXsj[isva x a\ auvo£ 0 £|j.£va,  Ea quas adjacent collo carnosa, com-  plexa et colligata, itemque cervix crassa,  XGxytjkoq -ayjj;. Et (c. 6. p. I Ij8, C) Oi?  Ta "£p\ ta; xXeTBoc; aug~£pi~£cppaY(x£va £<ruv,  avodaQiyroL. Nonne totidem fere verbis  Ciceronianus Zopyrus? Stupidum esse  Socratem, et bardum quod jugula con-  cava non haberet, obstructas eas partes  et obturatas. Alia adhuc mala signifeat  ista conformatio. Olc xpd.yrj.oc r.ayyc xai    55    ET L’AMOUR GREC   ne temoigne pas du contraire ? Mais  Zopyre en a-t-il tire, en ce qui concerne  notre Philosophe, un pronostic judi-  cieux ? II y a dans les oeuvres d’Aristote  un opuscule intitule Physionomiques ou  ce philosophe parait avoir recueilli les  regles admises avant lui par les habiles.  Nous transcrirons celles qui se rappor-  tent au portrait de Socrate et au carac-  tere de son cheval mythique.   20. D ? apres Aristote (chap. m), les in-  dices d’un esprit lourd et presque prive  du sens commun sont le gonflement des  chairs qui avoisinent le cou, leur engor-  gement et leur replelion- ce qu’il con-  firme en disant au chapitre vi : « C’cst  un signe de betise que d’ avoir 1 ’cncolure  epaisse. » Zopyre, dans Ciceron, n’ex-  prime-t-il pas la meme idee? Socrate,  dit-il, etait lourd et stupide, parce quii  navait pas le cou bien degage, que ces  parties etaient cheq lui comme engorgees  et obstruees. Cette conformation indi-  que cncore bien d’autrcs dcfauts : la    56    SOCRATE    TzlioK, 0 o 1 uo£i 8 e!'s, Crassa et plena cervix  iracundos signat, exemplo taurorum : Ol?  8s [Bpayjj; ayav, irdfi ouXoi, Brevis nimium  quibus est, ii sunt homines insidiosi, lu-  porum instar. Talem modo vidimus  illum malum equum, xpaxepauyeva et [Bpa-  yuxpayjiXov. Talem nisi fallor se indicat  Socrates, aut potius talem significat  Plato Socratem, a natura fuisse.    21. Videamus reliqua. Equus malus  Socratis est — sp\ xa wxa ).asto;, hirsutus  circa aures. Libidinosi, Xayvou, apud  Aristotelem ( c . 3 extr. p. 1174, C) o t  xpdxoupot oaa$T?, densa pilis i. e. hirsuta  tempora. Deinde (c. 6. p. 1174, C) oi  xa yecXrj “aysa eyovxe; puopoi — avacpdpexai    £7ii xou; ovou;. Physiognomones crassa labia  stultitiae characterem faciunt, ob simili-  tudinem asinorum. Quid de se Socrates  (Xenoph. 1. c.) in ludicra cum pulchro  Critobulo contentione? Ata 76 r.ayla. syeiv  xa ylCkt], oux otst xa\ [xaXaxaSxspdv oou 'iyv.v xo  csfX7]p.a; Propter labia crassa suum putat  osculum mollius. Et, v Eotxa syw xaxa xov    et l’amour grec 5 7   nuque epaisse et charnue denote un  homme violent, par similitudo avec le  taure au ; ceux qui l’ont trop courte sont  ruses, par similitude avec le loup. Or,  cette indication, 1’encolure epaisse et  courte, figure parmi les marques du  mauvais cheval. Si je ne me trompe  Socrate avoue qu’il etait bati de la sorte,  ou plutot c’est ainsi que le depeint Platon.   21 . Voyons le reste. Le mauvais che-  val Socratique a les oreilles velues : Aris-  tote designe comme libertins ceux qui  ont du poil jusques sur les tempes. De  plus, les physionomistes notent les  grosses levres comme un indice de betise,  par similitude avec 1’ane. Or que lisons-  nons dans la plaisante discussion (Xeno-  phon, 1 ) de Socrate avec Critobule? —  « A cause de ses l&vres charnues il pense  que son baiser est plus sensuel », et plus  loin : « Je te par ais avoir, 6 Critobule,  une bouche plus difforme que celle de  Vane, avec ces bourrelets qui me tienncnt  lieu de levres. »    58    SOCRATE    aov Xoyov x at Ttov Ovojv aiayiov to GTOu.a lysiv,  turpius os quam habent asini illum  mollem labiorum tumorem habere tibi,  o Critobule , videor.   22 . Simus fuit, ut vidimus, Socrates :  at|jio-po'ato7:o; est malus equus. Quid Phy-  siognomones, atque adeo Zopyrus ? Si  fides Aristoteli (c. 6. p. iiyg, B.) 01  G'|j.7jV Eyovts; piva, Xayvor avacpspezai i~\ tou;  iXa^ou;, Simi sunt libidinosi, exemplo  cervorum. Patulas quoque versus nares  suas, qu£e possint odores undecunque  oblatos excipere, laudat sipojv Socrates  Xenophonteus , pra ? Critobuli naribus  humo obversis. Ot ;xev yao ao\ (xuxT7jpE; ei;  yrjv opcSat, ol 8’ eijloi ava“£"tavTat, wgte tx;  T:av~o0£v oGua; izpoa ov/yOou. At Physio-  gnomones ( I . C.), 0:; o! p.uxT7jp£$ ava"E^"a-  pL^vot, OupiojoEi;, Iracundi sunt, quorum  patula? nares, quod in ira diffundi so-  lent. Iracundum valde a natura fuisse  Socratem, non soli credamus Cy r rillo,  quamvis Porphyrium auctorem laudat ,  qui ab Aristoxeno se illud dicat acce -    ET LAMOUR GREC    59    22. Socrate, nous le savons, etait ca-  mard ; son mauvais cheval a les naseaux  ecrases du singe. Quel indice en tirent  les physionomistes et Zopyre ? Aristote  dit : « Les camards sont lascifs, par simi -  litude avec le cerf ». Socrate declare  quii a les narines lar gement ouvertes ,  comme pour subodorer de toutes parts  les parfums. Jaime mieux cela, dit-il,  que d’avoir, comme Critobule , un ne^  penche vers le sol. Mais d’apres les phy-  sionomistes, c’est 1’indice d’un tempera-  ment porte a la colere. Que Socrate ait  etedun naturel violent, nous ne nous en  rapporterons pas la-dessus seulement a  Saint Cyrille, quoique son temoignage  soit corrobore de ceux de Porphyre etd’A-  ristoxene et qu’il dise en propres termes :  « Socrate etait devenu si irritable qu’il  ne pouvait moderer ni ses paroles ni ses    6o    SOCRATE    pisse, ’'Ote <pXe-/0e't7] utzo zou TrdOou; toutou [de  ira sermo est) ostvrjv etvat xr ( v aayr][jLO(Hjvr)v •  ouoevo; yap ouxe ovopiato; azoa^saOat oSxe  -payjj.ato;, Eo importunitatis progressum ,  ut nullo neque verbo neque opere absti-  neret : sed ipsi de se credamus Socrati,  qui tam gravi ac molesto sibi, quam fuit  Xanthippe, patientia ? et mansuetudinis  gymnasio opus fuisse, fassus sit apud  Xenophontem [Sympos. 2, 10 ) BouXo'|ievo;,  dv0pco7tot; y prjoOat jcat opuXe Tv, Tauxrjv x&ttj-  ptat, sii eloco;, oxt, et lauxrjv 'j"Otaco, PAAIQS  TOIS TE AAAOIS 'AIIASIN, avOptfaoic  auveaouat, Quam ferre si posset, facilis  esset cum aliis omnibus conversatio.    23 . Unum superest : e^^OaXpto; erat  Socrates. Itaque ita jocabundus disputat  cum pulchro Critobulo, ut cum primo  convenisset, Pulchras esse res , quatenus  respondeant consilio, propter quod ha-  bentur ; roget eum , Cujus rei gratia ha-  beamus oculos? eoque, ut necesse erat ,  respondente, Ad videndum, inferat ,  Suos ergo pulchriores esse, qui Sta zo    ET CaMOUR GREC    6i    actions ». Croyons-en Socrate lui-meme;  dans le Banquet de Xenophon , il avoue  que le caractere acariatre de Xanthippe  fut pour lui la meilleure ecole de pa-  tience et de douceur; que par la suite il  lui fut plus facile de supporter la con-  tradici ion.    23 . Il ne reste plus qu’une chose : So-  crate avait les yeux saillants. Il dispute  la-dessus agreablement avee le beau Cri-  tobule, et le fait convenir d’abord que  toute chose est belle pourvu qu’elle re-  ponde au but en vue duquel elle existe.  Il lui demande alors : Pourquoi faire  avons-nous des yeux ? — Pour voir, re-  pond naturellement Critobule. — E/i bien  alors , dit Socrate, mes yeux sont les plus  beaux de tous, car iis me sortent de la    62    SOCRATE    £7it-oXatot sivat, quod emineant, non ea  modo, quas exadversum sint videant, sed  etiam quae a latere. Et cum diceretur ,  secundum hmc pulcherrime oculatum  (euo^OaXjj-GTa-ov : ) animal esse cancrum,  id ipsum affirmat. Jam Physiognomon  Aristoteles (c. 6. p. i ijg, D) "Oaoi i£6z>-  OaXjjiot, inquit , aS&vepoi, Fatui sunt, quibus  oculi eminent : rationem petit ab judicio  quodam decoris et convenientia ■ naturali ,  et ab similitudine asinorum. Male de  horum gente meritus est Stagirita :  quce videtur ex hoc prcesertim libello  contraxisse infamiam illam , qua ab eo  inde tempore, et Platonis quibusdam  dictis, onerata est : honestum superiori  cetate animal, cujus majestatem, ut Var-  roniano verbo utamur, (de R. R. 2, 5,  4) adhuc agnoscebat Homerus. De hac  re adjicietur potius huic disputationi  quoddam corollarium, quam ut longius  digrediamur a Socrate.    ET L’AMOUR GREC    63    tete, si bien que je puis voir non-seule-  ment devant moi, mais & droite et d  gaiiche. Son interlocuteur lui repond  qu’a ce compte les crabes ont de tres-  beaux yeux, et Socrate affirme que c’est  parfaitement vrai. Or, d’apres Aristote,  les yeux saillants sont 1’indice de la sot-  tise; il tire ce pronostic de certains rap-  ports naturels de convenance, de syme-  trie, et de la ressemblance que ces yeux  offrent avec ceux des anes. Le philosophe  de Stagyre a par la bien mal merite de  cette race inoffensive, et ce doit etre a  partir de ce petit traite qu’il acquit le  mauvais renoni confirme depuis par  Platon lui-meme. L’ane, cet honnete  animal, etait mieux apprecie des genera-  tions precedentes, et Homere se plaisait,  suivant le mot de Varron, a lui recon-  naitre de la majeste. Nous ferons de cela  un corollaire a cette dissertation pour ne  pas trop nous eloigner presentement de  Socrate (i).    (i) Gesner a «Jcrit un appendice intitulc De antiqua    SOCRATE    64   24. Nempe tempus est, ut videamus,  quorsum evadat ille de bono et malo  equo Myihus. Ad conspectum pulchri  (p. 34 j, F) bonus ille quidem aurigee  obsequitur, contineri se patitur, malo  alteri , quantum potest reluctatur. Simile  certamen est in pulchro, qui amatur :  repugnat malo isti equo bonus illius  jugalis, hic enim est (p. 348 , G) 6 [xo'£u£,  et ipse auriga adeo repugnat [aet’ dtSous  xat Xdyou, cum pudore et recta ratione. Si  ergo ita vincant meliora, et ad vitam  ordinatam, quae eadem philosophia est,  ducant illum currum, beatam et concor-  dem hic vitam agunt continentes se, et  decus suum tuentes, syxpatcTs auroiv xat  xdajjuot ovtss, in servitutem redacto illo  equo, cui vitiositas animae inerat; in li-  bertatem asserto eo, cui virtus. Tandem  vero alati ac leves denuo facti, sic de tri-  bus illis certaminibus (de quibus §. 12)   asinorum honestate, imprime i la suite du Socrates  sanctus pcederasta ; il ne nous a pas sembl£ otfrir  assez d’interet pour Ctre traduit. (Note Ju Traduc-  teur.)    ET L’AMOUR GREC    65    24. II est temps de voir ou il veut en  venir avec son Mythe du bon et du mau-  vais cheval. A Taspect de la beaute, ie  coursier docile obeit au cocher et se laisse  contenir; il resiste de toutes ses forces a  son mauvais compagnon. L/objet aime est  lui-meme en proie aunesemblablelutte ;  son bon cheval se defend contre les ten-  tatives de son mauvais compagnon d’at-  telage, que de plus le cocher s’efforce de  contenir par la pudeur et la raison. Si les  meilleurs instincts remportent la victoire  et conduisent le char dans les chemins de  la vie rangee, cest-d-dire de la philoso-  phie, les deux amant s vivent dans le bon-  heur et bunion, maitres d’ eux-memes  et regles dans leurs mceurs : iis ont  dompte le mauvais cheval, qui repre-  sente le vice, et affranchi 1’autre qui re-  presente la vertu. Recouvrant enfin leurs  t ailes et leur legbrete primitives , iis sor-  tent vainqueurs de ces trois luttes vrai-  ment Olympiques dont nous avons parle  plus haut. Socrate peut donc dire*sans  hesitation que ccux qui se prescrvcnt.    66    SOCkATE    vere Olympicis, unum vicerunt. Absque  hcesitatione igitur beatissimos esse dicit,  qui se puros et castos ab amore Venereo  servaverint.    25. At nunc sequitur apud Platonem,  in quo defendere illum , Platonem, in-  quam, nam Socratis causam hic segre-  gandum putamus (vid. 6) paullo diffi-  cilius est; tacuisset enim forte sapientius :  sed non iniquum (i) excusare. Nempe  his, quee modo prolata sunt, subjungit,  quee non scripta equidem malim : sed  pono, ne quid dissimulasse videar, ne  parum bona fide egisse. Quam vero caute,  quam suspensa velut manu illud ulcus  tractet, videre opera? pretium est. Eav’  os 8tatT7) <popzi7Ui)~ipx ~z xat A<I>IAO—  cptXoTtjxu) 8s yprfacjvzx'., -i/' av ~oj ev uiOat;  sitivi a)xA7) dasXsta Tci> axoXaTCto ajTOtv Gno-  JXiytco XaSovTE, xa\ tjrjya; xopojpo-j; aovaya-  yovTE et; toeutov, tf ( v u ~6 :wv -oXX oiv [xaxaot-    fi) Multum certe facilior causa Platonis, quam  alicujus Beneventani Episcopi : aut aliorum, quos  vrxterco sciens.    ET L'AMOUR GREC 67   purs et chastes, de 1’amour Venerien,  jouissent de la plus grande beatitude.    25. Ce qui suit, chez Platon, est un  peu plus difficile a expliquer; chez Pla-  ton, disons-nous, car ici nous croyons  devoir separer sa cause de celle de So-  crate; evidemment il aurait mieux fait  de se taire , mais il n’cst pas impossible  de l’excuser (i). A ces choses sublimes  que nous venons de transcrire, il en  ajoute d’autres que j’aimerais mieux lui  voir passer sous silence; je les exposerai  cependant, de peur de paraitre rien dissi-  muler et manquer un peu de bonne foi.  Il faut ici donner le texte pour qu’on    ( 1 ) Son cas est en effet moins grave que celui de  certain eveque de Bdnevent et de quelques autres que  je ne veux pas nommer. — (L’auteur fait ici allusion  a 1’archeveque Giovanni .delia Casa et a son fameux  Capitolo dei forno ; mais il ne 1’avait probablement  pas lu, et il se meprend, comme bien d’autres, surle  sens de ce celebre petit poeme. — Note du Traduc-  te ur.)    68    SOCRATE    cTr;v atpeotv £tXcTr ( v ~t /ai Ste^pa^avxo x x X.  Si vero vitam vivant LICENTIOREM  et A PHILOSOPHIA ALIENAM, ean-  demque ambitiosam, forte aliqua in  ebrietate aut qua alia negligentia depre-  hensas INCAUTAS animas equi illi  uiriusque amatoris indomiti, eodem con-  ducant, et sic illam quce beata vulgo vi-  detur electionem faciant, et (turpe illud  facimts) peragant : eoque peracto per re-  liquum tempus utantur quidem (illa  voluptate ) sed raro, quippe qui non  omnino deliberata mente (sed deprehensi  velut incauti ) hoc agant — etiam hi  praemium non parvum amatorii illius  furoris (non Venerei, de quo modo dic-  tum, sed philosophi , de quo §. i3) aufe-  runt : in tenebras enim illas et illud sub  terram iter non veniunt, etc.    ET L'AMOUR GREC 69   voie avec quelle prudence et sans ap-  puyer la main, il decouvre cet ulcere de  la civilisation Grecque. — « S’ils embr as-  sent , dit-il, nn genre de vie moins austdre,  etrangbre a la Philosophie et livree aux  passions desordonnees , il arrivera quau  milieu de Vivresse ou de quelque autre  etourderie les coursiers indomptes sur-  prendront leurs ames et les meneront l’un  et l’ autre au meme but,' iis prendront alors  le parti de faire ce en quoi , selon le vul-  gaire , consiste le supreme bonheur et  (c’est la le crime infame) satisferont leurs  desirs. Dans la suite , iis renouvelleront  leurs jouissances , mais rarement, parce  qxCelles ne sont pas approuvdes de l’dme  entiSre et qu’ils agissent comme par sur-  prise et sans defense. C’est pourquoi ce  qu’il y a encore d’excellent dans leur  amour (le pur amour pliilosophique et  non le desir Venerien) recevra plus tard  sa recompcnse ; iis niront pas, aprds leur  mort, dans ces tenebres et par ces routcs  souterraines,.., etc. »    yo    SOCRATE    26. Apertum est his, qui et sermonem  Platonis intelligunt, et non ultro qucerunt  crimina, non illum prcemium constituere  pceder astice turpi, non Philosophice genus  facere flagitiosum puerorum amorem :  sed summam c.ulpce esse hanc , quod di-  cat, si qui coelestis illius pulchritudinis,  quam in volatu illo suo viderint, deside-  rio icti, etiam pulchros amant, et dum  arctius eos complectantur, liberius cum  iis versentur, etiam ad turpe facinus ab  ebrietate, certe ex improviso, incauti,  proster deliberatam voluntatem, abri-  piantur, id quod ipsis contingat ob genus  vivendi licentius atque a Philosophia alie-  num, iis tamen prodesse primum illud7'io-  biliusque philosophandi propositum, ut  non cum reliquis ad inferos mittantur,  et ad poenarum locum (vid. §. 12) non  cogantur post ternas millenorum anno-  rum periodos , septem alias subire ete  sed facilius alas ut recipiant, quibus evo-  lare ad coelestia, deum aliquem sequi du-  cem possint. Hactenus reprehendat Pla-  tonem, si quis volet, non ut laudatorem    et l’amour grec 7 1   26. II est bien clair, pour qui veut  comprendre Platon et ne cherche pas de  griefs de son plein gre, qu J il n’assigne  pas cette recompense aux fauteurs du  vice honteux, qu’il ne fait pas de 1’igno-  minieux amour masculin un attribut  special des Philosophes. On voit, au con-  traire, combicn il blame ceux qui, les  yeux encore eblouis de cette beaute ce-  leste entrevue par eux dans leur vol an-  terieur, con^oivent des desirs pour la  beaute terrestre, recherchent les jeunes  garcons, et a force de les embrasser etroi-  tement, devivre familierement avec eux,  se trouvent entraines a 1 ’improviste, au  milieu de livresse, par surprise et sans  que leur volonte y ait part, a conimettre  l’acte immonde; cela leur arrive, parce  qu’ils ont adopte un genre de vie trop  libre et qu’ils negligent la Philosophie.  Iis tirent cependant ce profit, de s’etre  d’abord propose pour but cette noble  Science, qu’ils ne sont pas relegues aux  enfers avec tous les autres hommes ; apres  une revolution de trois mille annees, iis    SOCRATE    7 2   Pcederastice, sed ut clementem nimis ,  lentumque adeo castigatorem : qui prae-  sertim in aliis peccatis severum satis ac  durum se praebuerit (1 ).    27 . Sed , si cequi esse volumus, si de  nostris religionum doctoribus ecquos ex-  periri judices, videamus etiam , quid dici  pro ratione illa Platonis possit , quid pro  Socrate, quatenus et ipse non horribili  flagello sectari vitia id genus solebat.  Distinguamus legislatoris personam et  Philosophi. Legibus Atheniensium primo  antiquissimis illis a Cecrope , sanctitas   (1) Bona pars libri De re publica decimi in eo  consumitur, ut a"apat~r]Tou?, a^apa[xu0rjTOU?,  implacabiles sacrificiis Deos, ostendant. Vid. pras.  a p. 6 72 extr. et conf. qua: collegit Davis. ad Gic.  de Legib. 2. c. j 6 . p. i 3 j    ET L’AMOUR GREC 78   n’ont pas a en su.bir sept mille autres;  iis recouvrent plus vite leurs ailes et peu-  vent s’elancer vers les spheres celestes, a  la suite d’un des douze dieux. Que l’on  reproche donc a Platon, si l’on veut, non  pas de s’etre fait 1’apologiste de la Pede-  rastie, mais d’avoir ete trop clement,  de ne pas chatier assez ferme, lui surtout  qui pour de moindres fautes se montre si  dur et si severe (i),   27. Mais soyons equitables; prenons  d’honnetes gens pour juges de nos Phi-  losophes, voyons ce que l’on peut dire  en faveur de Platon ou de Socrate, et  jusqu’a quel point ce dernier a vraiment  neglige de flageller le vice en question.  II faut distinguer le legislateur du Phi-  losophe. Les plus anciennes lois Athe-  niennes, celles de Cecrops, proclamaient  la saintete du mariage. La loi de Dracon    ( 1 ) II emploie la majeure partie du X® livre de sa  Republique a montrer que les dieux sont insatiables  de sacrifices. Comparez avec ce qu’a <5crit Davies  sur le Tr ciite des lois , de Cicerrr.i.    7    74 SOCRATE   matrimoniorum constituta : Draconis  lex capite plectebat adulteros : Solon li-  beram faciebat marito potestatem sta-  tuendi in adulterum in facto deprehen-  sum , quidquid liberet. Itaque mirum  fuerit si masculam libidinem non punis-  sent.   28. Sed bene habet : supersunt monu-  menta Solonis hac etiam de re legum,  diligenter collecta a Sam. Petito (de Le-  gibus Att. 6, 5 et in Commentario  p. 468 sqq.) prcesertim ex vEschinis in  Timarchum (a p. 186 edit. Aurei. Al-  lobr. 1607. /•) et Demosthenis contra  Androtionem (a p. 421) orationibus :  unde hoc constat, qui vi vel persuasione  ingenuum corrupisset, produxissetve,  gravissima poena (quce ad ultimum sup-  plicium corruptoris et productoris, in-  terdum etiam corrupti, poterat progre-  di) affectum esse. Qui illam patiendi pro  mercede turpitudinem admisisset, si  effugisset poenam aliam, illi neque lice-  bat inter novem Archontas esse, neque    ET LAMOUR GREC 7 5   punissait de mort les adulteres; Solon  laissait la faculte au mari, dans le cas de  flagrant delit, de se faire justice comme  il 1’entendrait. II serait bien surprenant  que ces deux legislateurs fussent muets  a l’egard de Tamour masculin.    28. Mais nous avons mieux ; il reste  des lois portees par Solon sur la matiere  divers fragments precieusement recueillis  par Samuel Petit (voy. ses Lois attiques  et le Commentaire dont il a accompagne  cet ouvrage); ii les a surtout tires du  Discours contre Timarque, d’Eschine, et  du Discours contre Androtion, de Demos-  thene. Il y est dit : Quiconque, memesans  violence, aura debauche ou prostitue un  homme de condition libre sera passible  de la peine la plus rigoureuse. — (Le cha-  timent pouvait etre la mort, dans l’un  comme dans Tautre cas, et pour le liber-  tin, comme pour savictime.) — C elui qui  se sera prostitue pour de l’argent, s’il  echappe a toute autre peine, ne pourra ni    SOCRATE    76   fungi sacerdotio, neque syndicum creari,  neque ullum magistratum vel intra vel  extra urbem, neque sortito neque suf-  fragiis, capere, neque pro Praecone s.  oratore mitti usquam, neque sententiam  dicere unquam, neque in templa publica  intrare, neque in pompa coronata et ip-  sum coronari, neque intra sacros fori  cancellos (evto; twv t rj; ayopa? TteptppavTT]-  P’'wv) ingredi. Si quis vero damnatus im-  pudicitiae quidquam horum fecisset, ca-  pital erat. 0avato> r7)[j.'oua0w sunt verba  legis ab As schine recitata. Plura huc  transferri opus non est , cum rarum esse  Petiti opus desierit. Summa capita habet  etiam in Themide Attica ( 1 , 6) Meur-  sius.    2 q. Utrum seynpcr valuerint istce le-  ges? annon eas perruperit interdum au-    ET L AMOUR GREC    77   etre l’un des neu f archontes , ni remplir  aucune fonction sacerdotale , ni etre nomme  delegue d’une ville ; il lui est interdii  d’exercer aucune magistrature, soit en  dedans , soit en dehors de la cite , quii  ait et e designe par le sort ou par les  suffrages de ses concitoyens ; d’etre en-  voyd nulle part comme Herault, ou comme  orateur ; de prononcer aucune sentence ;  de penetrer dans les temples publics; de  faire partie des processions et d’y porter  une couronne sur la tetc; de franchir  ienceinte sacree de l’Agora. Qiiiconque,  deja condamne pour fait de prostitutiori ,  fera ou acceptera de faire une de ces  choses sera puni de mort. Puni de mort,  tel est le texte meme de la loi lue par  Eschine. II est inutile d’en transcrire ici  davantage, car Touvrage de Samuel Petit  est loin d’etre rare ; Meursius en a meme  donne, dans sa Themis Attique, les cha-  pitres importants.   29. Ces prescriptions eurent-elles tou-  jours force de loi? Ne purent-elles etre    SOCRATE    7 8   dacia , astus subterfugerit , eluserint  rhetores? annon ipsa poenarum gravitas  impunitati occasionem non nunquam de-  derit? an non professce impudicitiae ho-  minis utriusque sexus, libidinum publica-  rum victimce, toleratce sint? An denique  poetce non multa saepe impudenter scrip-  serint, fecerint? jam non quceritur. Uti-  nam non avxtxatrjyopia quadam repellere  possent veteres Attici cujuscunque vel sec-  tae vel cetatis homines, si qui acerbius ex-  probrare iis velint, quce de Comicorum pe-  tulantia sublegerunt illi apud Athenaeum  (i3, 8 p. 601 ) Deipnosophistce, et quae  colligere ex illa parentum cura apud  Platonem (Conviv. p. 3ig, E), Pceda-  gogos constituentium suis filiis, qui ne  quidem colloqui suis cum amatoribus  (turpibus nimirum et flagitiosis) eos pa-  tiantur : e. i. g. a.    3o. Ceterum severitate legum eo ma-  gis opus erat, quod obtentum fiagitiis    et l’amour grec 79   enfreintes par les audacicux, adroitemcnt  tournees par les gens ruses, eludees par  les avocats ? La rigueur du chatiment ne  favorisa-t-elle pas elle-meme Timpunite ?  Est-ce qu’on ne tolera pas des prostitues  de profession, victimes de 1’incontinence  publique et remplissant le role de l’un et  1’autre sexe ? Les poetes n’ont-ils pas ef-  frontement deerit ces turpitudes, ne les  ont-ils pas mises en action sur la scene ?  Cela ne fait aucun doute. Plut au ciel  que les Atheniens de nfimporte quelle  secte et de quelle epoque ne pussent re-  tourner Taccusation a ceux qui leur re-  procheraient trop vertement ces horreurs  etalees par les poetes comiques et recueil-  lies par les Deipnosophistes d’Athenee, ou  ce qu’on peut induire de 1’inquietude des  peres de famille confiant leurs fils, d’apres  Platon, a des precepteurs severes, pour  les empecher de s’entretenir avec leurs  amis, — des amis infames et detestables.   3o. Les lois devaient etre d’autant plus  severes, que les coutumes de la Grece    8o    SOCRATE    non nunquam praeberet (ut nempe res  sancta ? prope omnes , ut ipsce populorum  sceculorumque pene omnium religiones ,  atque ceremonice) ille puerorum amor ,  castus , legitimus, sanctus, quo tanquam  potentissimo virtutis cum bellicce tum  civilis incitamento utebantur qucedam  Grcecorum respublicce : quarum legisla-  tores, cum viderent, ignava fere esse  virtutis prcecepta, firmis licet nixa de-  monstrationibus, nisi ea affectu quodam  et tanquam spiritu animentur, nisi ev0ou-  aiaajxou quoddam genus accedat, quo acti  homines et commoda sua , et jacturas, et  salutem, et pericula et tormenta contem-  nerent. Hinc excogitata et in usum  civitatis recepta sunt splendida ista et  efficacissima remedia, Religio, Pudor,  Amor patrice, Gloria, res quondam po-  tentissimce, quod ex illarum effectibus  judicare pronum est: nunc prceclara quo-  rundam, qui sibi Philosophi videntur,  opera fere ad inanium vocabulorum stre-  pitus relata, et, dum relata sunt, etiam  redacta.    ET l’aM0UR GREC    8i    ( comme toutes les choses saintes, comme  les cultes et les ceremonies religieuses de  presque tous les peuples et de tous les  temps) donnaient plus de facilite a la  depravation. La fervente amitie entre  jeunes gens, Tamitie chaste, legitime, sa-  cree, etait favorisee, dans les republiques  de la Grece, comme le plus energique  stimulant du courage militaire et des ver-  tus civiles. Leurs legislateurs savaient  bien que ni la vertu ni le courage ne s'in-  culquent a 1’aide de demonstrations, si  bonnes qu’elles soient ; que 1’homme est  naturellement faible a moins qu’il ne soit  pousse par la passion et par 1’orgueil ou  entraine par cette espece d’enthousiasme  qui lui fait mepriser les aises de la vie, la  fortune, la vie elle-meme, et affronter les  perils et les supplices. C’est pourquoi l’on  mettait en jeu, dans Torganisme de la cite,  ces heroiques et sublimes mobiles, la Re-  ligion, 1’Honneur, 1’Amour de la patrie,  la Gloire, mobiles autrefois bien puis-  sants, comme nous pouvonsen juger par  ce qu’ils firent accomplir; aujourd’hui,    82    SOCRATE    3 i . In illis igitur rei publicce bene ge-  renda? incitamentis, an instrumentis?  erat Amor ille adolescentulorum tum in-  ter se, tum inter ipsos et natu majores :  inde illa sacra Amantium cohors The-  bis, et Cretensium. Quanta illius vis  esset, et quam metuendus esset miles  amator, svOouatwv, et ab Amore simul  atque a Marte bacchans, occurenti in  prcelio hosti, ita enarrat 2E liantis (H.  V. 3 , g) ut IvOo-jatav et furere ipse prope  videatur. Idem (c. io et 12) Laconica  qucedam circa eam disciplina? publica?  partem instituta commemorat : V. G.  ab illis multatum esse virum alioquin  bonum, ea de causa , quod nullum ha-  bere juniorem, quem amando sui si-  milem, et per hunc forte etiam alios,  redderet : itemque peccantis adoles-  centuli virum amatorem punitum , cui    83    ET l/AMOUR GREC   grace a de certains Philosophes, ou soi-  disant tels, ces grandes choses ne sont plus  que de vains mots, creux et vides, dont le  sens s’affaiblit a mesure qu’on en abuse.   3 1 . Ainsi, 1’Amour des jeunes gens, soit  entre eux-raemes, soit entre eux et leurs  ames , etait favorise partout en Grece ,  pour le bien de la chose publique ; voila  ce qui donna naissance a la cohorte sa-  cree des Amants , chez les Thebains et  chez les Cretois. Quel etait le courage de  ces sortes de soldats, quelle etait la ter-  reur qu’ils inspiraient, lorsqu’ils rencon-  traient Tennemi, ivres a la fois d’amour  et de sang : c’est ce que Elien nous a fait  connaitre, en partageant, pour nous les  mieux depeindre, leur impetuosite et  leur fureur. II nous indique aussi qu’il  y avait quelque chose de semblable dans  les institutions de Sparte ; un Lacede-  monien fut mis a 1’amende , quoique  excellent citoyen, pour avoir neglige d’ai-  mer quelque compagnon plus jeune que  lui, a qui il aurait inculque ses vertus et    SOCRATE    84   nempe illius imputari vitia posse cen  serent.    32 . Etiam illud Laconicum narrat , so-  litos ibi adolescentulos petere ab ama-  toribus , viris nempe bonis ac fortibus ,  stareveTv auTot ?, ut se adflarent. Interpreta-  tur illud verbum , Laconibus proprium,  sElianus per epav, amare : idem factum  ab Hesychio V. sp.-v£ Tjj-ou, et epa, eia7cver.  Multa similia ad utrumque Hesychii  locum viri docti , post Meursium (Mis-  cell. Lac. 3 , 6 ) sed nihil, unde ratio ap-  pellationis queat intelligi. Nec satisfacit,  quod refert, non probat Eustathius (ad  Odyss. A, 36 1 p. 1743 et ad E, 478  p. 240, 38 ) EtarevElxai yap tpaat, t 7j? pLOp^?  ti /at x i); wpa;, inspirari aliquid fornice et  pulchritudinis. Hcec enim Laconicce se-  veritati parum conveniunt, si fides anti-  quis, ipsique adeo JEliano in ipso illo,  de quo agimus , loco. Srap-ctaTT)? epio; ata-    ET LAMOUR GREC    85    qui eut ete capable, a son tour, de les  transmettre a d’autres. Lorsqu’un jeune  homme commettait une faute, les Spar-  tiates punissaientson intime ami, comme   responsable des vices qu’il lui tolerait.   /   32. Elien rapporte encore cette autre  coutume de Sparte, que les jeunes gens  exigeaient de ceux dont iis etaient aimes,  toujours choisis parmi les meilleurs et les  plus braves, ut se adflarent. II explique  le verbe ekjttvs Tv ( adflare ), propre aux La-  coniens, par cet autre : spav (aimer), et He-  sychius de meme aux mots EpjcvEtgou, ipS  et eiu7iveT. Divers savants ont accueilli cette  interpretation, a 1’exemple de Meursius;  mais je n’ai rien compris aux raisons  qu’ils en donnent. Je ne suis pas davan-  tage satisfait de Tassertion emise, sans  preuve, par Eustathe, dans son commen-  taire des chants IV e et V e de YOdyssee :  a Les inspires (i) sont guides dans leur    (i) On appelait indifTeremment ItaKVETxat, ii a-  7UvrjXa' (inspires) ou spacjiat (amants) ces couples   8    86    SOCRATE    ypov oux otosv x. t. X. Spartanus amor  turpe nihil quidquam novit. Sive enim  ausus fuerit adolescentulus pati turpia  (upo-v uzoaeivat) sive amator facere (£»|Bp6  oat) neutri quidem Spartee manere pro-  fuerit : aut enim patria privarentur, aut  vita ipsa. Quare illud ela-vetv s. s[j.7ivsTv,  illos £ta7iVTjXa;, quos eosdem aixa? vocat  Eustathius (Hesych. afcav, s-aTpov) ab in-  spirando s. adspirando divino quodam  spiritu, dictos arbitror , unde afflati, ut  7rveuu.atocpo'poi quidam et svOouaiwvTsc, divi-  no quodam furore perciti , ruerent. Hic  est ille furor, quem supra i3) tetigi-  mus, et de quo plura sunt in Platonis  Phcedro (p. 344, A. 346, A. 352, E).  Nempe spiritum 7iveSp.a quum dicebant an-  tiqui, non rem illi tantum cogitantem in-  dicabant, sed rem subtilem, magna ean-  dem movendi et agendi vi praeditam, etc.   de friires d’armes , si terribles dans les batailles.  'Etcnvelv (ad/lare) peut se traduire positivement  par meter les souffles ou metaphoriquement par  avoir des aspirations communes. ( Note du Tra-  ducteur.)    ET l’aMOUR GREC 87   choix par la beaute et 1’elegance corpo-  relle. » Cela me parait peu convenir a  cette severite Laconienne dont temoi-  gnent tous les anciens et Elien lui-meme,  a Tendroit en question : « On ignorait a  Sparte ce que detait que les impures  amours. Si quelque jeune homme eut ose  se prostituer , ou prendre 1’autre role, il  lui eut mal reussi de rester d Sparte; il  y allait pour lui de Vexilou de la mort. »  C’est ce qui me fait croire que ces inspires ,  designes aussi sous les noms de compa-  gnons, freres d’armes, par Eustathe et  par Hesychius, etaient ainsi appeles du  souffle ou de Tesprit en quelque sorte  divin qui les animait, lorsqu’ilsse ruaient  sur l’ennemi comme transportes d’une  fureur plus qu’humaine. Nous avons deja  parle de cette espece de delire, dont il est  si souvent question dans le Phedre de  Platon. Il convient en effet de remarquer  que les anciens n’entendaient pas comme  nous par esprit une faculte intellectuelle,  mais une essence subtile, douee d’une  grande forcc de mouvement et d’action.    88    SOCRATE    33. Non vagatur hcec extra oleas ora-  tio. Cum enim fuerit , quod, adhuc proba-  tum est, in Grcecia r.aiozptxizv.a. quaedam  honestissima, et sancta adeo , qua ad virtu-  tem, bellicam praesertim , et quidquid pul-  chrum est, incitari homines crederentur,  cum nomina spojvuo?, Ipaaxou, raioapaaxou,  itemque spwuivoy, -atot/.wv, et similia tur-  pitudinem nondum haberent : cum illud  raiSspaaxsTv res esset adeo honesta, ut quem  ad modum capital Romae erat servo, si  militarat, ita Solonis lege multaretur  quinquaginta plagis publice, qui servus  eXsuOspou 7ra'oo; spav, amare liberum pue-  rum, auderet : haec ita se cum haberent  omnia, nemo jam debet mirari, adoles-  centulorum esse amorem professum So-  cratem, fecisse illum, quae ante (§. i5)  dicta sunt, eaque scripsisse tanquam So-  cratis dicta Platonem, quae ex Phaedro  commemoravimus . Quod mitior est vel  Plato, vel ipse adeo Socrates, (si quis ei  tribuat, non satis ille quidem aequa ratio-  ne, quidquid apud Platonem ex ipsius  persona dictum ponitur) in hos etiam quos    ET L’AMOUR GREC 89   33. Cette digression ne nous a pas  eloigne de notre sujet. Puisqu’il existait  en Grece , comme nous venons de le  prouver, une jcatBspao-rfta tres-honnete ,  sainte, on peut dire, et reputee propre a  pousser les hommes au bien et a la vertu,  surtout a la vertu guerriere; puisque les  mots d’amants, d’amis, de 7tad>epa<jTcu et  de 7:aioi7.wv n’avaient rien de honteux ;  puisqu’il etait meme si honorable de se  livrer a cette zcaSspaardtix, que la loi de  Solon punissait de cinquante coups de  fouet, subis en pleine place publique,  tout esclave qui aurait ose aimer un jeune  homme de condition libre; puisque tout  cela est irrefutable, personne ne doit s’e-  tonner que Socrate ait professe 1’amour  des j eunes gens, qu’il ait lui-meme eprouve  cet amour et agi en consequence; que  Platon nous ait transmis, comme l’ex-  pression des doctrines de Socrate, ce que  nous avons cite du Phedre. Sans doute  Platon ou, si l’on veut, Socrate, quoiqu’il  ne soit pas equitable de lui attribuer tout  ce que son disciple lui fait dire, se montre    SOCRATE    90   mala libido ad turpitudinem transversos  abripuit 25 . 26) illud primo hanc  rationem , ut innuimus , habuit , quod nec  legislatorem hic, neque publicum accusa-  torem ageret ; sed Philosophum , sed  amatorem, amicum certe quidem, qui  non metu pcence deterrere a turpitudine  homines, sed virtutis amore revocare a  peccato vellet. Deinde erant forte, quibus  parcendum erat, juvenes a vitiis ejus-  modi non plane puri, Alcibiades , Critias ,  alii, 9[Xox''[j.o) illi quidem sed eadem «popti-  ■/Mxipcc et dcfikoaofM otattr) yprjaajxsvoi (vid.  §. 25 ) quos abscisse nimis ab omni fructu  Philosophice, ab omni ad virtutem reditu  excludere velle, et sic plane a se et a  virtute segregare, non erat consilii. Non  instituam hic comparationes, quce invi-  diam habere possunt : sed illud addam  unum, si forte aliquid veri sit ineo, quod  de liberiori Socratis adolescentia dictum  est /'§. 2) : si non mendax historia , e qua  refert Origenes contra Celsum , qui su-  periorem vitee conditionem primis Chris-  ti discipulis objecerat (l. 1. p. 5 o. pr.)    ET L AMOUR GREC    9 1   beaucoup trop clement envers ceux qu’un  infame desir pousse a Tacte honteux. Son  excuse, nous Tavons deja dit, c’est que ce  n’est pas ici un accusateur public ou un  legislateur qui parle, c’est un Philosophe,  un ami, un amant, et il essaye non de  detourner les hommes du vice en les ef-  frayant par la menaee des chatiments,  rnais de les dissuader d’une faute en leur  inculquant Tamour de la vertu. II y avait  d’ailleurs peut-etre autour de lui des  jeunes gens qui n’etaient pas irreprocha-  bles et envers lesquels il ne fallait pas se  montrertrop dur, un Alcibiade, un Cri-  tias, d’autres encore, pleins de fougue,  adonnes a une vielicencieuse et etrangere  a la sagesse; les priver de quelques-uns  des benefices de la philosophie, c’eut ete  leur fermer toute voie de retour au bien,  les eloigner de la personne du maitre et  par consequent de la vertu. Je ne cherche  pas a faire des comparaisons qui pour-  raient sembler malseantes; je veux ce-  pendant rapporter un fait, vrai ou faux,  qui a traita la jeunesse un tant soit peu    SOCRATE    9 2   Phcedonem e lupanari traductum ad  Philosophiam a Socrate : quid facere  illum oportebat in hac disputatione?    34. Nihil igitur est in Phcedro , quod  urgeat Socratem : si quid incautius dic-  tum sit , illa Platonis culpa fuerit : quam-  quam si universam circumstantiam , ut  a nobis ostensa est , quis consideret , etiam  hunc accusare , vel non excusare, ini-  quum videtur. De Convivio Platonis jam  non opus est multis disputare. Distin-  guat mihi aliquis personas loquentes : ad  universam libelli descriptionem, quam  vocamus CEconomian, ad Allegorian  denique ab amore Venereo ductam , ac  translatam ad animos, quorum lenonem  se et obstetricem ferebat Socrates : ad  hcec, inquam , mihi attendat aliquis, et    et l’amour grec q3   dereglee de Socrate. C'est Origene qui le  raconte dans son traite contre Celse.  Celse reprochait aux premiers disciples  du Christ d’avoir ete tires de conditions  abjectes; Origene repondit que Socrate  avait bien tire Phedon d’un mauvais lieu  pour le convertir a la Philosophie. J e vous  demande un peu ce que ce Phedon venait  faire dans la discussion.   34. On ne rencontre donc rien dans le  Phedre qui puisse incriminer Socrate; s’il  y a ca et la quelques paroles imprudentes,  c’est la faute de Platon. Encore, si l’on  examine bien toutes les circonstances,  comme nous 1’avons fait, il serait injuste,  tout en blamant Platon, de ne pas lui  trouver d’excuse. Nous ne nous etendrons  pas longuernent sur son Banquet. Que  l’on distingue bien les uns des autres les  interlocuteurs, que Fon fasse attention  a 1’ensemble du dialogue, a ce que nous  appelons 1’economie de 1’ouvrage, que  Fon analyse enfin cette allegorie tirce  de 1’amour physique, puis appliquee aux    94    SOCRATE    mirabor, si quid ibi sit , unde Jiagitio  ipsi praesidium, vel crimini in Socratem  jactato firmamentum peti possit. Sed est  in illo libro, quod maxime ad defenden-  dum a Socrate fagitium pertinet, quod  ut magis pateat, tota ultimee partis, et  velut actus postremi fabulae illius convi-  valis, CEconomia proponenda est, e qua  ipsa appareat, velle pro veris haberi Pla-  tonem, qua ’ in Alcibiadis personam con-  jecta de Socrate dicuntur.    35. Ebrius nempe Alcibiades ad eum  finem, ut neque pedes officium faciant,  comissator supervenit potantibus apud  Agathonem Socrati ceterisque. Hic, ex  lege compotationis , dextrum sibi accum-  bentem Socratem laudare jussus, obse-  quitur cum professione ebrietatis, ut  tamen (p. 332, G) vera se dicturum con-  firmet et redargui petat , si quid mentia-  tur. Ac primo sub imagine quadam lau-    et i/amour grec 9 5   idees, dont Socrate se donnait comme  l’entremetteur et Taccoucheur, et je serai  bien surpris si 1’on y decouvre quoi que  ce soit en faveur du vice infame ou a  1’appui de 1’accusation portee contre So-  crate. On pourra y puiser, au contraire,  les meilleurs arguments pour l’en defen-  dre ; mais il est necessaire d’exposer ici  toute 1’ordonnance de la derniere partie,  ou plutot du dernier acte de ce dialogue,  ou il est clair que Platon veut nous faire  tenir comme vrai ce qu’il a place, tou-  chant Socrate, dans la bouche d’Alci-  biade.   35. Alcibiade arrive a la fin du festin  dans un tel etat d’ivresse que ses pieds  refusent de le porter; il veut prendre sa  part de plaisir avec Socrate et les autres,  en train de boire chez Agathon. La, par  suite d’une convention adoptee entre les  convives, il est force de faire 1’eloge de  Socrate, assis a sa droite, et demande  de 1’indulgence, en se fondant sur ce  qu’il est ivre ; il affirme pourtant qu’il ne    SOCRATE    96   daturus Socratem , cum Sileno aliquo  (Conf. §. 18 J nominatim cum Satyro  Marsya , tibicine , illum comparat, cujus  figura, ex ligno, edolata ruditer atque  deformi, utebantur artifices pro theca,  quce intus haberet pulcherrimum aliquem  Mercuriolum (p. 333, F) : scilicet in  corpore deformi habitare animam pul-  cherrimam demonstrat : et esse tibicini  Marsyce similem Socratem, ob illam  vim demulcendi animos, cui resisti non  posset.    36. Deinde narrat, cum eundem pul-  chrorum sectatorem quendam ct capta-  torem videret, se, qui fiduciam fornice  haberet, sperasse, si pellicere virum ad  amorem sui (venereum nempe) posset,  eique se prceberet obsequiosum, impetra-  turum se ab illo admirabilem illam ar-  tem, et ablaturum, quce Socrates sciret,  omnia. Hinc narrat verbis quidem ho-  nestis modestisque , ct tamen venia ante    ET LAMOUR GREC    97   dira que la verite et exige, s’il se trompe,  qu’on lui donne un dementi. II com-  mence, pour louer Socrate, par le com-  parer a ces grossieres figures de bois  representant Silene ou le satyre Mar-  t syas, le joueur de flute, sculptees sans  travail et sans art, dont les statuaires se  servaient comme de gaines, et qui rece-  laient a 1’interieur quelque joli petit Mer-  cure ; ainsi, dit-il, dans un corps difforme  peut habiter une belle ame; de plus, So-  crate ressemble au joueur de flute Mar-  syas en ce qu’il a, pour charmer, une force  a laquelle nui n’est en etat de resister.   36. II raconte ensuite que le voyant  s’attacher a la poursuite des beaux ado-  lescents et s’efforcer de les prendre dans  ses filets, plein de confiance en sa beaute  parfaite, il avait essaye de lui inspirer de  1’amour, comptant bien qu’avec un peu  de complaisance pour ses desirs il obtien-  drait de lui qu’il lui communiquat son  admirable science, et qu'il gagnerait a  cela tous les talents de Socrate. Alcibiade    9    SOCRATE    98   exorata ebrietati , et pro? fatus (p. 334 ,  C) uti servi aliique profani aures obtu-  rent (zuXa<; 7: avo [xEyaXai xot; walv £7ri0E<?0s)  quam varie, et quibus veluti gradibus,  frustra continentiam Socratis, temperan-  tiamquefrecte fortitudinis hic nomen adji-  cit) tentarit. Summam facit hanc, (p.  334 , G) ut Deos Deasque testes faciat,  se cum totam noctem sub eadem veste  cum Socrate jacuisset, non aliter ab  illo, quam ut filium a patre, aut a fratre  majori frater deberet, surrexisse. Itaque  se frustratum spei esse in homine, quem  hac sola forte parte capi posse putasset.    3y. Enumeratis deinde aliis Socratis  virtutibus, bellica prcesertim , qua sibi  etiam vitam servarit, addit, non se tan-  tum contumelia tali ab eo affectum , sed  Charmiden etiam , Euthydemum et    et l’amour grec gg   place ici , mais en termes honnetes et  mesures, quoiqu’il se soit excuse sur son  ivresse et qu'il ait recommande aux es-  claves et aux profanes de se boucher les  oreilles, le recit des gradations savantes  et de tous les stratagemes vainement mis  en oeuvre par lui pour induire en tenta-  tion la continence, la temperance ou plu-  tot, comme il le dit fort justement, l’he-  roique fermete de Socrate. II conclut en  disant : Je prends les dieux et les deesses  d temoin quapres avoir repose toute une  nuit d cote de Socrate, et sous le meme  m ante au , je me levai d'aupres de lui tel  que je serais sorti du lit de mon pere ou  de mon frere aine. Ainsi, le seul point  par lequel il croyait que cet homme fut  accessible avait tout a fait trompe ses  esperances.   37. Apres avoir ensuite enumere les  autres vertus de Socrate et appuye sur sa  valeur guerriere, a laquelle il etait lui-  meme redevable de la vie, il ajoute qu’il  n’est pas le seul, du reste, a qui Socrate    100    SOCRATE    alios multos, quos ille amoris simulatione  deceptos in potestatem suam redegerit ,  ou? oiito; s^aTCatojv w; IpaartT)?, Tuatoty.a piaXXov  autos -/.aOiaTa-ai avi’ epaotou. Nempe adu-  labantur vulgo amatores , certe qui turpe  quid spectarent , pueris aetatula sua et  illa ipsa adulatione superbientibus. Alia  ratio Socratica , quae etiam supra (§. 6)  in Lysidis argumento declarata est. Sua-  vissima sunt reliqua in Symposio Plato-  nis : eo autem referuntur omnia , ut in-  telligamus Socratis hanc fuisse consue-  tudinem . , pulchrorum amorem uti prae se  ferret , cum illis suaviter et amice ut  versaretur, ut virtutis illos amore im-  pleret , reliqua omnia non tanti esse os-  tenderet , in quibus valde sibi elaboran-  dum vir sapiens existimaret.    38. Sanctus ergo Paederasta Socrates ,  et foedissimi , si quod usquam est , crimi-    ET L AMOUR GREC 101   ait fait un tel affront; que pareille chose  est arrivee a Charmis, a Euthydeme et a  bien d’autres qu’il avait feint d’aimer  tendrement, pour mieux les asservir et  les diriger. Les amis vulgaires, ceux sur-  tout qui esperaient de honteuses com-  plaisances, se faisaient les flatteurs des  jeunes garcons, et ceux-ci n’en etaient  que plus fiers de leur beaute. Autre etait  la methode Socratique, comme nous l’a-  vons montre plus haut en exposant le  sujet du Lysis. Ce qui suit, dans le Ban-  quet de Platon, est charmant ; tout aboutit  a nous montrer que telle etait la coutume  de Socrate de rechercher les bonnes gra-  ces des jeunes gens que distinguait un  exteneur gracieux, et de vivre avec eux  dans une douce et agreable intimite, afin  de leur faire aimer la vertu; ce point  obtenu, il jugeait facile de leur donner  les autres qualites qu’un sage doit s'ap-  pliquer a acquerir.   38. Ainsi, Socrate n’avait pour la jeu-  nesse qu’un amour chaste ; il etait pur du    9 -    I 02    SOCRATE    nis expers : a quo etiam alios avocare  studuit , quod Critice exemplo docet  Xenophon, ejus, qui post in triginta  tyrannis fuit , quem Euthydemi pudori  insidiari cum sentiret , utxov ti Tiaay eiv  dixit, suillo more prurire, eaque re ini-  micitias hominis factiosi et potentis sibi  contraxit; quibus carere poterat , nisi  potius fuisset officium.    3g. Sed admonet me Xenophon de  crimine alterius illo quidem generis, et  multo, ut in malis, tolerabiliore : quod  tamen ipsum etiam in illo adhaerescere,  quantum in me est, non patiar. Accusa-  tur, ut naturalis quidem , sed malce ta-  men libidinis suasor et leno quidam,  propter ea quce referuntur in Xenophon-  tis Convivio (c. 7 et g). Sed nec ibi quid-  quam est, cujus bonum Socratem, aut  illius amicos pudere debeat. Spectacula  exhibentur convivis mirabilia , partim    ET LAMOUR GREC    io3    vice infame entre tous. Bien mieux, il  s’efiforcad’en detourner lesautres, comme  Xenophon nous 1’apprend par 1’exemple  de Critias. Ce disciple de Socrate, devenu  par la suite l'un des Trente tyrans, avait  voulu attenter a la pudeur d’Euthydeme ;  lorsque son ancien maitre Bapprit : II a  le prurit du porc{ i), s’ecria-t-il ; paroles  qui lui attir£rent 1’animosite d’un homme  puissant et redoutable, ce qu’il lui eut  ete facile d’eviter, s’il n’avait mieux aime  faire son devoir.   3g. Mais Xenophon me fait songer a  une autre accusation qui a ete egalement  portee contre Socrate ; quoique moins  grave, elle n’en est pas moins facheuse,  et je l’en disculperai de toutes mes forces.  On lui reproche, a 1’occasion d’un inci-  dent rapporte par Xenophon, dans son  Banquet , d’avoir excite ses disciples a la  debauche, ce qui serait pernicieux encore,   (i) Concupiscit ad Euthydemum se affricare  quemadmodum porcelli solent ad saxa (Xeno-  phon, Memorabilia).    1 04    SOCRATE    etiam periculosa , et horrorem quendam  spectantibus moventia , inter districtos  gladios corpora saltu jactantium , aut in  figuli rota circumacta scribentium le-  gentiumque. Non placent ea Socrati, qui  aptius convivio spectaculum putat ipyjln-  Gat r.poc, tov auXov T/rJijiaTa, Iv oi; Xapixe; ts  •/.a't Qpat, xa\ Niifxcpat ypstaovtai, ad tibiam  edi motus et saltationes, eo habitu, quo  Gratiae, Horae, Nymphae a pictoribus  exhibentur.    Forte suspectum alicui fuit hoc quod  Gratice nuda; pingi solent. Sed huic sus-  picioni repugnat , quod dicitur Ariadne  illa saltatrix w; vop-sr, xcy.ocju.rjU.svr,, sponsce  autem profecto apud Grcecos nudce esse    ET L AMOUR GREC 105   bien qu’i.1 s’agisse ici de plaisirs confor-  mes au vceu de la nature, et de s’etre fait,  en quelque sorte, entremetteur. II n’y a  rien, dans ce passage, dont doivent rougir  1’honnete Socrate et ses amis. Des mimes  viennent d’executer devant les convives  toutes sortes d’exercices extraordinaires,  quelques-uns tres-dangereux et propres  a donner le frisson aux spectateurs; on  a vu les uns presenter leurs poitrines, en  sautant, a des pointes d’epees rangees en  file ; d’autres lire ou ecrire enfermes dans  une roue de potier mise en mouvement.  Ces exercices deplaisent a Socrate ; il  pense qu’il serait plus convenable, au  milieu d’un festin, de voir des danseuses  executer des poses, au son de la Jlute,  sous le costume que les pcintres pretent  d’ ordinaire aux Graces, aux Heures et  aux Nymphes.   Cela a pu paraitre suspect parce qu’on  a coutume de representer les Graces  toutes nues. Mais ce soupcon ne repose  sur rien, car la danseuse qui parut  alors, habillee en nymphe, representait    SOCRATE    I Ob   non solebant : nymphae in insectis ab  eo ipso dicta?, quod involuta? sunt. Gra-  tias decenter vestitas contemplari licet  in Grcecis monimentis apud Montfauc.  Ant. Expl. To. i Tab. iog ad p. ij6.  Movit forte eum, qui primus crimen  hinc excerpsit Socrati, a/r^a-coiv appel-  latio, qua? inter alia ad turpes figu-  ras refertur , quales olim Philcenidis et  Elephantidis commendatas libellis fuisse  constat (i), ut hic ejusmodi impudens  spectaculum suspicaretur . Sed tum inter-  jecta de amore disputatio ( 2 ) (c. 8) tum  ipsa perfectio exsecutioque consilii (c.  g) suspicionem illam eximunt. Aguntur  Ariadnes et Bacchi nuptice,sed illa ut in  scenam nihil veniat, pra?ter oscula et   (1) De quibus Spanhem. de usu et Praest.  numism. Diss. i 3 . p. 522 . sq. Hic ay 7 jfi a est  omnis gestus saltantium blandus, minax, derisor.  Vid. Lucia. de Saltat, c. 18. T. 2 p. 278 in  primis c, 36 . extr.   (2) Apertior, simpliciorque , et incautior adeo  Xenophontis de his rebus oratio , quam Plato-  nica : sed cujus summa eodem pertineat, uti ab  impura libidine ad sanctam animorum conjunc-  tionem homines revocentur.    F.T L^AMOUR GREC IO7   Ariadne, et les Grecs ne permettaient  pas le nu dans les roles de femmes  mariees. D’ailleurs, certains insectes  imparfaits sont appeles nymphes pre-  cisement parce qu’ils sont enveloppes.  On peut voir aussi, dans YAntiquite' ex-  pliquee de Montfaucon, que les Grecs,  meme sur leurs monuments, figuraient  les Graces decemment vetues. Celui qui  le premier a lance contre Socrate cette  accusation s’est peut-etre effarouche du  mot pose, qui, entre autres, est applique  a des images obscenes, du genre de celles  qu’on rencontrait dans les livres de Phi-  laenis et d’Elephantis (i); il a soupfonne  Socrate d’avoir reclame un spectacle lu-  brique. Or, ladiscussion surTarnour qui  intervient alors ( 2 ), 1’execution et l’ache-   (1) Spanheim (De prostantia et usu numisma-  tum antiquorum) parle de tout cela. On appelait  poses toute esp6ce de geste lascif, provocant ou  railleur, des mimes. ('Comparez Lucien, De la  Danse, ch. XVIII.)   (2) Le dialogue de Xenophon est bien plus franc,  bien plus simple et bien moins circonspCct que celui  de Platon ; tous les deux d’ail!eurs vont au meme    io8    SOCRATE    amplexus , cetera reservantur postsce-  niis (i).    but, qui est de detourner les hommes des plaisirs les  plus impurs et de les rapprocher dans une sainte  communion des ames.    (r) Tales saltationes s. repraesentationes etiam  pars sacrorum erant. Apud Lucia. in Pseudom.  c. 38 . To. 2 p. 244 xsXsx7]'v xtva cuvtaxaxat  Alexander , xai SaStyta?, xat tepocpavxta; —  In his mysteriis et sacris etiam est KoptoviSo?  yapto; cum Apolline — item riooaXstpiOU xai  pLTjTpo; AXs^avSpou yauo; — denique SsXrJvr^  xai AXs^avBpou spto? — Alexander ut Endymion  alter xaOsuSwv exsixo sv xw piato — cptXrjtxaxa  xs eytyvovxo xat ~£pt~Xoxa\, st 8s ar t r. oXXat  iqaav at 8a8ss, xay’ av xt xat xwv utco xoXtcou  sjxpaxxsxo. Apposui locum , quia hic etiam  7t$pt7tXoxa'i, et tamen nihil obscenum.    ET l’aMOUR GREC IO9   vernent immediat du divertissement qu’il  avait demande, enlevent toute force a  cette conjecture. Les mimes representent  les noces d’Ariadne et de Bacchus : mais  on ne voit rien de plus sur la scene que  des baisers et des etreintes amoureuses ;  le reste se passe derriere le rideau (i).   ( 1 ) Ces sortes de danses et de reprdsentations  faisaient partie des Myst6res. Dans lM lexander seu  Pseudomantis, de Lucien, on voit Alexandre, in-  troduit comme nouvel initii, passer par les 6preuves  du dadouque et de l’hi<5rophante. Parmi les scenes  religieuses auxquelles cette initiation donne lieu  figurent : les noces d’Apollon et de Coronis, celles  de Podalirius et de la mere dAlexandre, enfin les  amours d’Alexandre et de la Lune. « Alexandre,  comme un autre Endymion, etait couchd au milieu  du theatre; on dchangeait des caresses et des bai-  sers. S’il n’y avait pas eu D des torches en quan-  tite, peut-etre bien qu’il se fut laiss6 entrainer a  faire qucedam earum quce sub veste Jieri solent. »  Cest un peu ldger ; cependant il n’y a rien la de bien  obscene.   — Gesner aurait du citer Lucien plus complete-  ment ; ce passage du Pseudomantis offre un tableau  de genre exquis : « Alexandre, comme un autre  Endymion, etait couche au milieu du thdatre, faisant  semblant de dormir. II tombait de la voute, comme du  ciel, une certaine Rutilia, tr£s-jolie, qui jouait le  role de la Lune et qui dtait la femme d’un intendant  de 1'einpereur. Elie aimait vraiment Alexandre et    10    I IO    SOCRATE    40 . Finem et effectum negotii ita indi-  cat Xenophon : teXo; 0 i ol <jup.7ioToci ’.oovte;  T:ept6e6Xr]xdT:a; ts aXXrjXou c xai oj; et; euvrjv    aTr-.ovTa:, 01 (j.r,v ayauoi yaixetv £zw[xvuaav, 01  oe ysyap-rixoTec, ava 6 xvc£; Ijci xou; ? 3 C 7 COUS, a-rj-  Xauvov Tipo; xa; lauxujv yuvaTxa;, otim; xojxojv  xuy otsv . Tandem post blanditias quasdam ,  verecundas, maritales, complexi se invi-  cem sponsus et sponsa , i. e. manibus  implexis, vel brachiis mutuo cervici im-  positis, vel tergo circumjectis , velut  cubitum discedunt : ab hoc spectaculo  incalescentes , et ut paullo ante dicebat,  av£7iTEpo)|jiivoi (vid. no. ad §. i5) convivae  caelibes dejerant, se ducturos esse uxo-  res ; mariti autem equis conscensis domos  festinant, ut simili voluptate et ipsi  fruantur. Utinam vero e spectaculis et  theatris hodie ita discederetur ! utinam  Socratis hac parte disciplinam sequeren-  tur publicarum Voluptatum Tribuni.  Talia spectacula edere debebant Romani    eu 6tait aimee. Sous les yeux de son propre mari,   iis echangeaient des caresses et des baisers »   (Note du Traducteur.)    ET L’AMOUR GREC    l I I    40. Xenophon indique de la maniere  suivante la fin et les resultats de l’his-  toire. Apres toutes sortes de caresses  honnetes et maritales, les deux epoux se  tenant embrasses, c’est-a-dire, je pense,  les mains entrelacees ou les bras pas-  ses mutuellement soit autour du cou,  soit autour de la taille, s’eloignerent  comme pour aller se coucher. Echauffes  par ce spectacle et se sentant de furieu-  ses demangeaisons, comme s’il leur pous-  sait des ailes , les convives encore celiba-  taires /irent le serment de ne pas tarder  a prendre femme ; les maris monthrent a  cheval et se haterent de regagner le lo-  gis, pour gouter d leur tour de sem-  blables voluptes. Plut au ciel qu’aujour-  d’hui on quittat les spectacles et les  theatres dans de si bonnes intentions !  plut au ciel que cette partie de la disci-  pline Socratique fut pratiquee par les  ediles preposes aux plaisirs publics ! Ce  sont de tels divertissements qu’auraient  du decreter les empereurs Romains, sou-  cieux d’exciter toutes les classes au ma-    I 1 2    SOCRATE    principes , cum de maritandis ordinibus ,  et sobole Romana augenda soliciti erant :  talia conveniebant nuper Lutetia ? et Gal-  lice adeo universae, quum Ducis Burgtin-  dice natalem nuptiis mille puellarum  celebrarent : talia magnam Britanniam ,  si quid veri habent quorundam qucerelce,  Swiftiance praesertim , quas eo loco protu-  lit , ubi de abrogando clero disputat : aut  eorum , qui hodie peregrinos invitandos ,  supplendi populi causa . et civitate donan-  dos , censent.    41. Nempe incidit aetas Socratis in ea  tempora, ubi civium paucitate laborabat  exhausta bellis Persicis et Peloponnesia-  cis Attica , cui etiam lege matrimoniali  obviam ire, et afferre remedium , conati  esse dicuntur. Debemus notitiam hujus  legis ipsi Socrati, quatenus nulla forte  illius mentio extaret hodie, nisi de dua-  bus Philosophi uxoribus jam olim dispu-  tatum esset. Res cum queestioni. de qua    et l’amour GREC 1 I 3   riage ct d’accroitre la posterite de Re-  mus : iis auraient convenu naguere a  la ville de Paris et a la France entiere  lorsqu’on feta la naissance du duc de  Bourgogne en mariant un millier de  jeunes falles; iis auraient bien fait Faf-  faire de la Grande-Bretagne, s'il y a  quelque chose de vrai dans ces plaintes  dont Swift surtout s’est fait l’e'cho et qui  reclamaient 1’abolition du celibat despre-  tres; iis conviendraient encore a ces  pays ou l’on attire les etrangers en leur  conferant les droits civiques pour sup-  pleer au petit nombre d'habitants.   41. Socrate vivait a une epoque ou  1 ’Attique, epuisee par les guerres des  Perses et du Peloponese, souffrait de ne  plus avoir qu'une population clair-se-  mee ; on dit menae que les Atheniens s’ef-  forcerent de remedier a cet etat de choses  par une nouvelle loi touchant lesmaria-  ges. Nousdevons 1’unique renseignement  que l’on ait sur cette loi a Socrate , car  il n’en subsisterait aujourd’hui aucune    IO.    >4    SOCRATE    agimus conjuncta sit , illam , quam brevi-  ter jieri potest , expediemus. Duas So-  crati uxores vulgo tribui videmus, Xan-  thippen e qua Lamproclem susceperit, et  Myrto , Sophronisci atque Menexeni  matrem. In hoc conveniunt Cyrillus  ( contra Julia. I. 6. p. 186, D) et Theo-  doretus (Grcecar. Affect. curat, ser. 6 p.  ij4, 40) ac Diogenes Laertius (2, 26).  Porro de Xanthippe Cyrillus ex Por-  phyrio, 7tspi7tXa-/.asav XaQstv, clanculum in  ipsius amplexus venisse ; quod plane  repugnat Platoni et Xenophonti, qui  nullius conjugis prceter Xanthippen , jus-  tam uxorem , mentionem faciunt : tum  Theodoreto, qui tamen ipse quoque sua  debere ait Porphyrio, sed non tantum  pro TCspiTt^axetaav XaOsTv habet 7:po<j-XaxeTcjav  Xa6sTv, induxisse priori uxori, ut pereat  illa secreti , et furti amatorii notio : sed  etiam addit, solitas esse eas mulieres in-  ter se depugnare, deinde pace facta con-  junctim impetum facere in Socratem  ideo , quod is bella illarum non dirime-  ret : hunc vero utrumque genus pugna: •    et l’amour GREC I I b   mention sans la controverse autrefois  agitee au sujet de ses deux femmes.  Comme cette question tient a notre su-  jet, nous la discuterons bridvement. On  donne communcment a Socrate deux  femmes : Xantippe, dont il eut un de ses  fils, Lamprocles, et Myrto, la mere de  Sophronisque et de Menexene. S. Cy-  rille, Theodoret et Diogene de Laerte  sont tous les trois d’accord la-dessus.  Mais S. Cyrille, empruntant ce detail a  Porphyre, dit de Xantippe que son ma-  riage avec Socrate fut clandestin, qu’elle  se cachait pour 1’embrasser, ce qui con-  tredit absolument Xenophon et Platon,  puisqu’ils ne parient d’aucune autre  femme que de Xantippe, epouse legitime  de Socrate. Theodoret, qui lui aussi dit  tenir de Porphyre ses renseignements,  change 7iepi7tXoaEiaav XaOsTv en npovnXxxsT-  aav XafleTv et declare ainsi que Socrate  introduisit Xantippe chez sa premi^re  femme, ce qui ruine toute cette histoire  de mariage secret, et de furtifs baisers ;  bien mieux, il ajoutc que ces deux me-    SOCRATE    1 16   cum risu speci are consuevisse. Utri fi  dem habebimus?    42. Sed nondum est finis discordia-  rum. Theodoretum si audimus , induxit  Xanthippen suce jam Myrto Socrates :  sed Laertius negat convenire inter auc-  tores , utram prius duxerit. Idem ait ,  simul ambas habuisse Socratem , a qui-  busdam esse traditum. In hac sententia  etiam fuit auctor Dialogi Halcyon , qui  inter primos Lucianeos editur , in cujus  fine Socrates dicat , se Halcyonis amo-  rem in maritum suis conjugibus Xan-  thippee et Myrto prcedicaturum esse.  Antiqua porro esse illa relatio memora-  tur Callisthenis , Demetri Phalerei , Sa-  tyri Peripatetici , Aristoxeni Musici ,    ET L’AMOUR GREC I I 7   geres se battaient continuellement, puis  la paix faite, tombaient a poings fermes  sur le pauvre Philosophe, en lui repro-  chant de ne les avoir pas separees: pour  lui, il restait simple spectateur du com-  bat et voyait donner ou recevait lui-  meme les coups en souriant. A qui faut-  il s’en rapporter, de S. Cyrille ou de  Theodoret?   42. Et nous ne sommes pas au bout  de la querelle. Dapres Theodoret, So-  crate epousa Xantippe, dtant deja marie  a Myrto; mais Diogene de Laerte af-  firme que les auteurs ne sont pas d’ac-  cord et qu’on ne sait qui des deux il  epousa la premiere. Il dit aussi qu’il les  eut toutes les deux ensemble, et sur  quelles autorites repose cette assertion.  Elie a ete accueillie par 1’auteur du dia-  logue intitule Alcyon, imprime en tete  de ceux de Lucien; on y voit Socrate  proposer en exemple a ses deux femmes,  Xantippe et Myrto, 1’amour d’Alcyon  pour son mari. Plutarque (Vie d’Aris-    ii8    SOCRATE    Hieronymi Rhodii, apud Plutarchum  (vita Aristid. extr.) qui ceteris narrandi  auctorem fuisse ait Aristotelem in libro  de nobilitate, (rapi s-jyevsia;) qui tamen  liber an sit Aristotelis, Plutarchus dubi-  tat : narrant autem ita, Aristidis neptim  Myrto, vidua cum esset et paupercula,  domum ductam a Socrate, eique cohabi-  tasse, licet aliam uxorem habenti .    43. At non licebat a Cecrope inde  Athenis plure s una habere uxores. Qui  sit igitur, ut neque Comici exprobrarint,  neque Accusatores objecerint digamian  Socrati ? Hic nobis narrant Athenaeus et  Laertius legem, latam supplenda 1 multi-  tudinis civium causa. Exstabat Athenceo  prodente ipsum decretum a Rhodio Hie-  ronymo conservatum, wax' si-eivat xai ouo    ET 1/aMOUR GREC I i q   tide) rapporte que cettc opinion etait  ancienne, et qu ; elle fut partagee par  Callisthene, Demetrius de Phalere, Sa-  tyrus le peripateticien, Aristoxene le  musicien et Hieronyme de Rhodes;  Athenee dit de son cote qu’ils Tavaient  tous puisee dans le Traite de la No-  blesse d Aristote, livre dont cependant  Plutarque doute qu’Aristote soit l’au-  teur. Tous racontent que- Myrto, pe-  tite-fille d Aristide, etant veuve et se  trouvant dans une extreme pauvrete, fut  recueillie par Socrate dans sa maison et  qu’il cohabita avec elle, quoiquhl fut  deja marie.   4 J - Les vieilles lois de Cecrops inter-  disaient cependant a Athenes les doubles  unions. Pourquoi donc ni les poetes co-  miques, ni les accusateurs de Socrate ne  lui ont-ils reproche ou oppose ce cas de  bigamie ? Cest a ce propos qu’A.thenee et  Diogene de Laerte nous parient de cette  loi nouvelle_, edictee, disent-ils, dans le  but d’accroitre le nombre des citoyens.    120    SOCRATE    'systv yuvatxa; tov [3o'jaojj.£vov. Secundum haec  male accusaretur Socrates, qui et legi  paruerit de augenda sobole Attica , et  Aristidis progeniem viduitate et pauper-  tate extrema liberaverit.    V    44. Verum enim vero totum hoc de  duabus Socratis uxoribus , quin de lege  maritali etiam falsum esse , prcesertim  ex dissensu commemorato , itemque ex  Platonis et Xenophontis silentio arguit  Bentleius (1). Et habet , quantum est de  monogamia Socratis, magnum auctorem  Pancetium, quem laudat Plutarchus, qui  cum retulisset eam quce modo proposita  est de Myrto narrationem, satis illam  refutatam ait a Panaetio : cujus si opus  hodie extaret, facilior forte hodie esset  causa Socratis, quem tamen a turpi pue-   (/) In Dissertat, de Phalaridis et exteror.  Epistolis, § / 3 , p. /06 5 9 9.    ET l’aMOUR GREC 12 1   Athenee s’avance jusqida dire qu’il y  avait un decret, conserve par Hieronyme  de Rhodes, et ainsi concu : « 11 est per-  mis d’avoir jusqua deux femmes. » Si  cela est vrai, on accuserait mal a propos  Socrate, qui n’aurait fait qu’obeir a la  loi portee en vue de repeupler 1’Attique,  et qui de plus aurait sauve du veuvage  et de la mis&re la petite-fille d’Aristide.   44. Mais vraiment Phistoire des deux  femmes, tout aussi bien que celle  de la loi matrimoniale, paraissent en-  tachees de faussete a Bentley (1); il se  fonde surtout sur le desaccord que nous  avons signale et tire une grande preuve  du silence de Platon et de Xenophon.  Nous avons, pour ce qui est de la mono-  gamie de Socrate, une excellente auto-  rite, Pantetius, dont Plutarque fait le  plus bel eloge; apres avoir rapporte ce  que nous avons dit de Myrto, il ajoute  que cettefable a ete suffisamment refutee   ( 1 ) Dissertation sur les Epitres de Phalaris ,  Themistocle, Sacrale et Euripide (1697, iu-8").    I 22    SOCRATE    rorum amore, et a lenocinio turpi , et a  libidinosa digamia, vel sic satis libera-  tum esse confido.     123    ET L AMOUR GREC    par Panaetius. Si nous possedions son  livre, la cause de Socrate serait aujour-  d’hui plus facile a defendre; je pense  cependant avoir prouve qu’il ne fut ni  un corrupteur de la jeunesse, ni un  provocateur a la debauche, ni un bi-  game libertin.     TABLE DES MATIERES    Alcibiade; ses avances  repouss^es par Socrate,  p. 97-99.   Ame, comparde par Pla-  ton a un attelage ai!6,  p. 29, 47-65 ; — clas-  sification des ames  suivant le degrd de  connaissances acquises  avant la vie, p. 3 1 - 3 5 .   Amour philosophique,  p. 35 , 43; — raisons  qui dirigent les choix  dans cette sorte d’a-  mour, p. 45-47; — les  impuretes ou il peut  s’egarer, p. 69.   Analyse du Lysis, dialo-  gue de Platon, p. 21;  — du Phedre, p. 23 -  29; — du Banquet,  p. 95 et suiv.   Beaute morale et Beaute  physique, p. 39-41.   Bigamie; Socrate eut-il  deux femmes? p. 1 1 3  et suiv.; — la bigamie  etait-elle autorisde en  Grece ? p. 1 19.   Cohorte sacree des  amants, a Thebes et  en Crete, p. 83 .   Inspires; couples d’amis,  p. 85 - 87 -   Minies ; leurs exercices et  poses plastiques, p. io 5 .   riaiospaatsta, le mot  et la chose pouvaient  etre pris en bonne part,    chez les Grecs, p. 89.   Peines portees par les  Grecs contre les infa-  mes, p. 75.   Pronostics tirds par les  physionomistes de la  voix forte et grave, p.  5 1 ; — de lencolure  courte, p. 55 ; — des  oreilles velues, p. 57 ;   — des grosses levres,  p. 5 q; — du nez ca-  mard, p. 59; — des  yeux saillants, p. 61.   Representations mytho-  logiques et divertisse-  ments dans les festius,  p. 105-109 ; — dans les  mysteres, p. 109 (note);   — effets singuliers pro-  duits parfois sur les  convives par ces re-  pr^sentations, p. m.   Socrate; motifs ordi-  naires des accusations  portees contre lui, p.  1 5 — 1 7 ; — pourquoi il  recherchait les beaux  garcons, p. 43 ; — son  portrait physique, p.  49 et suiv.   Socrate l’ Ecclesiasti-  que ; comment il a ac-  cuse, sans preuves, So-  crate le Philosophe, p. 9.   Sparte ; coutume rappor-  t6e par Elien, p. 85 ; —  les amours impures y  etaient ignorees, p. 8.7.    Paris. — Imp. Motteroz, 3 i, rue du Dragon. 

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